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Juriste Militante de l'égalité et des droits Vice-Présidente de la LDH 2019/2024 Députée européenne de 2009/2019

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Billet de blog 10 septembre 2023

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Opération Wuambushu : une honte pour la République

Chronique publiée en juin au moment de l'opération Wuambushu à Mayotte où le ministre de l'Intérieur ose lier non seulement immigration et délinquance mais aussi insalubrité publique alors que nombre de Mahorais vivent dans les "bangas" faute de logements en nombre suffisant. Les Comoriens ne sont que des boucs émissaires face aux carences de l'Etat

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Mayotte est-elle un laboratoire pour préparer l’opinion aux nouvelles mesures répressives en matière de migration. C’est plus que probable.

C’est le territoire le plus pauvre de la République : 80 à 85 % de la population vit en deçà  du seuil de pauvreté. 40 % habite dans des cases en tôle ou en bois (les « bangas ») dont 25 % des Mahorais, une situation n’a quasiment pas évolué depuis l’accession de Mayotte au statut de département.

Le gouvernement a décidé d’y lancer une opération spectaculaire de « chasse aux sans papier », pour l’essentiel, des Comoriens et Comoriennes qui seraient responsables de tous les maux de l’île.

Des quartiers entiers doivent être « décasés », c’est-à-dire que des dizaines de « bangas » doivent être détruits, mettant à la rue la quasi-totalité des 24 000 personnes expulsées en deux mois, soit 400 par jour[1]. Quel est le rapport avec la délinquance et la présence étrangère ? Aucun puisqu’il s’agit d’un problème de misère sociale et que la délinquance notamment des fameuses « bandes de jeunes » est justement due à cette misère, à leur désœuvrement et à leur colère face à ces destructions d’habitats de fortune qui sont effectuées de façon récurrente mais moins spectaculaires et qui mettent à la rue et fracturent les familles quelle qu’en soit leur nationalité ou leur situation régulière ou pas (les différentes situations pouvant se retrouver au sein de la même famille). Il faut avoir un certain mépris pour les populations locales pour oser parler de lutte contre l’insalubrité publique. On ne lutte pas contre l’insalubrité publique à coups de bulldozers mais en construisant des logements dignes de ce nom  permettant un relogement digne et durable ?

Et si 40 % de la population est de nationalité comorienne, ce n’est pas dû à une brusque invasion migratoire. Les mouvements de population entre les iles des Comores sont  ancestraux.  Les populations ont toujours voyagé entre d’une ile à l’autre et ce, même après l’indépendance des autres iles des Comores. C’est le « visa Balladur » en 1995 qui a créé un frein à la libre circulation entre les îles. Et c'est la raison pour laquelle les populations des autres Comores et notamment d’Anjouan, l’île la plus proche de Mayotte, viennent sans visa (ils ne peuvent d’ailleurs que rarement l’obtenir) et s’y installent car ils savent que s’ils partent, ils ne pourront pas revenir sauf à risquer leur vie une fois encore.

Les Comoriens et Comoriennes en situation dite irrégulière ne sont donc que des boucs émissaires. Il s’agit avant tout de masquer les carences de l’Etat. Il en va à Mayotte comme en métropole et cela augure du pire en ce qui concerne le nouveau projet de loi sur l’immigration et asile qui doit être adopté en juillet.

[1] L’opération a été stoppée durant un mois grâce à la mobilisation de certaines associations mais elle n’a été que reportée.

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