Marine Le Pen promet d'attaquer en justice, elle refuse l'étiquette extrême-droite collée au Front National. On proposerait bien d'interdire, en toute justice, l'adjectif socialistes, collé à François Hollande et à Manuel Valls. Par quels épithètes pourrait-on, dans leur cas, remplacer socialistes ? On n'a pas l'embarras du choix.
Manuel Valls et cie font monter dans le discours le choix de nouveaux boucs-émissaires ; ce n'est pas nouveau comme fonctionnement, c'est même rudement antique, ils ont observé d'ailleurs le phénomène (ou stratégie) durant le dernier quinquennat, ils se sont offusqués du discours de Grenoble, comme nous ils ont vécu 2002, 2012 au 1er tour et les 20% bien prévisibles, ce qui est clair c'est qu'ils ont tout pour voir venir, ils savent le reste comme nous le savons, au passage voici un peu du reste : en 2008 aux Etats Unis la réserve fédérale a prêté aux banques en difficulté la somme de 1 200 milliards au taux de 0,01 %. Au même moment, les peuples connaissaient les plans d’austérité que l'on sait, les marchés financiers n’acceptaient plus de prêter quelques milliards à des taux d’intérêt inférieurs à 6, 7 ou 9 % aux gouvernements qui bloquaient retraites, allocations familiales et salaires des fonctionnaires. Ils savent le reste mieux que nous le savons, ils ont comme nous entendu André Gorz, Edgar Morin, Stéphane Hessel, Pierre Larrouturou, tant d'autres, le répéter : la métamorphose ou la mort, la barbarie ou la sortie de ce système fou, ils savent que ce n'est pas fini, la coupe dans les retraites, les allocations, les salaires des fonctionnaires et les fonctionnaires eux-mêmes, ils savent beaucoup d'autres choses, pour voir venir ils voient venir – et ne dirait-on pas qu'ils espèrent, qu'ils exaspèrent, qu'ils provoquent, qu'ils excitent ?
En panne d'auto-définition, d'épithètes pour eux mêmes ? Oublieux du sens des mots et de l'Histoire, tels des Jean-Marie ou Marine Le Pen qui biffent, raturent et rajoutent, posent un détail, suppriment une étiquette, aussi hystériques que d'autres avant eux ils répètent un mot nouveau, le grossissent et de quelques milliers (de 10 à 20000, dit-on, ceux qu'on nomme comme on n'entendait jamais, avant) font le problème quotidien des Français, un élément impossible à intégrer, refusant l'intégration, avec tout ce qu'on sait qu'on a mis derrière ce mot, intégration, comme il y aurait à dire sur la fichue intégration qui est le mot magique, mot choc comme l'autre, répété et grossi, mot du discours de Grenoble et du socialiste Valls, plus besoin de photos, les mots se chargent du choc, choc et poids des mots, avec 3 ou 4 mots on fait une politique, intégration, Rom, islamisme, terrorisme. Aux 3 ou 4 mots on ajoute des chiffres, de gros chiffres de préférence, en pourcentage, 93% des Français pensent que les Roms ne s'intègrent pas, grosseur du chiffre et sottise de penser. Ce n'est pas tout il y a vocation, venue des dieux, sorte d'appel à rentrer chez soi, les dieux plus forts que le droit (le droit Shengen), soudain. Ce n'est pas tout, il y a les élus de gauche, ils ne craignent rien à propos du sens des mots, ils veulent quitter toute hypocrisie et défendre le ministre de l'Intérieur, celui qui a oublié le mot socialiste, le mot Histoire, mais se souvient sans doute, comme eux, les soutiens de gauches, de celui de carrière, ils disent que ce n'est pas parce qu'on est de gauche qu'on est humaniste - non, ils disent que ce n'est pas parce qu'on est humaniste qu'on est dans le laisser-faire, on a failli mal lire. A laisser faire, ils ne proposent pas de complément. Laisser faire quoi ? S'installer, se loger, travailler, se scolariser ? Ils disent aussi qu'ils ne refusent pas les responsabilités. Curieux article défini qui est bien, en l'occurrence, indéfini. A souhait. On s'en souviendra. Ils insistent : ils assument les responsabilités. On le leur rappellera. A ceux qui sont en peine de mots, on rappellera la proximité sémantique, dans le champ politique, malgré les apparences, de irresponsable sans complément et de responsable avec complément.
Responsables de quoi ? Responsables en 2017 d'un 2ème tour où l'élue pas plus extrême-droite qu'eux, dans l'étiquette, l'emporte haut la main. Responsables de quoi ? Responsables de l'amertume grandissante, quand sera venu le temps de plus grandes coupes dans les allocations, les retraites, le salaire des fonctionnaires, la santé et les écoles des pauvres, responsables d'avoir désigné, eux-mêmes, eux les premiers, des boucs-émissaires, des non intégrables, des non inassimilables. Responsables, les Sarkozy, le Pen, Copé, Bourdouleix, Estrosi, Koruisko-Moriset, Hidalgo, Valls et ses soutiens de gauche qui savent ce que parler veut dire. On le leur rappellera. Et même pour qui a perdu le sens des mots et de l'Histoire, responsables, en certains domaines, n'est pas loin de coupables.