ikea et Leroy Merlin et sur tout le trajet en métro (ligne 3, arrêt Evangelismos, mon plan d'Athènes est nul) les immenses panneaux publicitaires en bois gris, vides, vidés, nus, comme on les rêve et récupérés, en anglais et en grec, pour slogans et tags
on a vu, en arrivant, de haut, Ithaque
très vite, trouver les itinéraires pour aller sur les plages d'Athènes, sur celles un peu plus loin, pour aller à Tinos, qu'on évoque en s'exclamant. Jusque-là, entendre s'exclamer quand on évoque Tinos
ma valise immense tangue dans le métro, un monsieur s'accroche à elle, familier.
le soir, chercher une connexion, une salade en terrasse, place proskopôn, place des scouts, les arbres, la mixité des âges, le peu de touristes, cette façon d'être hospitalier sans trop te regarder, la très vieille dame qui tombe par terre quand un chien lui court dedans, on te porte un verre d'eau avant que tu ne commandes quoi que ce soit
les trois vieillards, l'un dans le métro, maigre, l'autre à Plaka (qu'on remonte à la hâte), le dernier à proximité de Panepistimo où s'organise le 9 juillet 10h30 une grève de 24 heures contre la privatisation de l'électricité (devant le Parlement les flics s'armaient tout à l'heure, boucliers transparents à leurs pieds), les trois vieillards, le premier pas si vieux en fait mais très courbé, maigre, maigre, les trois vendent aux passants des paquets de kleenex
Le garçon assis devant un magasin de sport à Syntagma, tee-shirt levé couvrant sa tête, le torse maigre, les os sur la peau, très blanc. Le flic à côté, au téléphone
tu apprends à commander un café grec, à trouver des cigarettes légères légères mentholées, lepta, fines, tu passes par les passages piétons effacés par le soleil et comptes ou ne comptes plus les motards sans casque et le jaune des taxis, les rues en jaune
quand tu plonges dans les arbres qui éclatent les trottoirs déjà éclatés, dans les lantanas et gardénias, pour presqu'au ras du sol recevoir les senteurs, quand tu t'installes en face du plus grand cyprès, derrière toi le Lycabette et en avant l'Agora, les oiseaux crient pour de bon et les grillons par dessus les cigales. Quand tu t'habitues à la chaleur. 38°, née pour ça
Cyparissus horizontalis et dedans et par dessus les perruches en liberté
la place de l'Acropole vers 19 heures, étonnamment vide, ce petit café qui dégringole auprès duquel une librairie expose ses ouvrages d'occasion, Euripide bilingue grec ancien et grec moderne, Elytis et Stendhal, Souvenirs d'égotisme, traduit en grec par un ami de l'oncle de Myrto, poète qui vivait dans l'avenue Merkouris, à deux pas de chez Stamatis et Athéna : Titos Patrikios.
les affiches datant de l'hiver 45. Les noms de ces tout jeunes gens dotés d'une bourse du gouvernement français qui prirent le bateau, le MATAORA, au Pirée, grâce à celui qui a donné son nom à la bibliothèque : Octave Merlier
parmi les jeunes gens, Kastoriadis, Corneille, lit-on.
La bibliothécaire qui a fait ses étude en Suisse a lu autrefois et en occitan ce texte que Myrto traduit du grec. La bibliothécaire cherche les références et dit que dans ses dossiers d'il y a 20 ans elle trouverait sans doute
le calme, ce calme comme jamais, drôle de familiarité, familiarité sans langue, sans oreille, quoique, ça viendrait, non ?
Le livre imprimé fin 1945 et feuilleté à la bibliothèque de l'Institut français, dont chaque carte, à droite, témoigne des atrocités commises pendant la guerre, villages brûlés, famines, bombardements, déportations. Des schémas, chiffres, des photos
Cet homme à l'accueil de la bibliothèque demande Titos Patrikios, la traduction des Souvenirs d'égotisme, Stendhal. Lui indiquer la bouquinerie où on l'a vu hier. Il y court, le livre est rare
le jouet leur a échappé, le jouet leur a complètement échappé, le jouet Aube dorée leur a complètement échappé
deux fois, à l'aller et au retour, croiser le vieux monsieur sur le trottoir devant la librairie Ianos, matelas, cigarette, il est plongé dans un livre et au retour affalé, endormi, cigarette éteinte entre les doigts et la tête entre les pages de son livre
il n'y a pas un noir en ville, ce sont les quartiers dans lesquels on passe mais tu ne trouves pas ça bizarre, il n'y a pas un noir dans cette ville, peut-être ça s'explique par les quartiers où l'on va mais, station Larissa, Maurice dit que c'est vrai, les noirs se cachent, ils ne sortent que le soir, même pour prier ils ne viennent plus, ceux qui venaient ne viennent plus, Maurice nous donne le numéro de téléphone de T, qui vient du Congo et est enfermé dans le centre de rétention de Corinthe, Cécile va lui dire qu'on l'appellera, pour faire passer le temps puisque le temps ne passe pas là-bas et qu'il ne risque pas maintenant de passer : une loi a été votée il y a trois mois qui remplace le maximum de 18 mois de rétention administrative par une rétention prolongeable à perpétuité, c'est anticonstitutionnel bien sûr, le prix à payer à Aube dorée, ils font profil un peu bas depuis que des membres importants ont été écroués, profil un peu bas mais à côté de ça
en même temps ils veulent tous quitter la Grèce et c'est le prix à payer à l'Europe sans doute, une loi anticonstitutionnelle, l'Europe qui donne l'argent des centres-prisons, alors tu en fais des prisons pour toujours
Syntagma au retour, place du parlement devant les gardes costumés de laine blanche, statufiés, chaussures à pompons, leurs collègues en treillis leur épongent le visage et les touristes les photographient et tentent de les déconcentrer, manif contre la privatisation de l'électricité, ce jour, le 9 juillet