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Billet de blog 18 janvier 2010

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collectif et privé à la fois

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

12 mai Le sinistre petit accident du destin personnel, l’accroc individuel [1] n’est rien. Le petit accroc individuel est teinté de gestes et d’images, de visions et noms propres. Vilno Hanoi Guernica Hiroshima Chatila. On n’a pas mal de manière individuelle. Ma peau est criblée d’une infinité de petits trous. Mon mal est singulier - par là collectif et privé à la fois [2] . Je suis enfermée dans le centre le plus moderne d’Europe et accrochée à un camion, dans la poussière. Les images peuvent venir. Il y a quelque chose d’angoissant, avec ces images palpitantes et voyageuses. Je peux avoir le nez dans la poussière d’un désert après des journées de marche, après avoir vu mourir des enfants trop las sur le chemin, je peux être assise dans le même temps sur le banc du tribunal d’une petite ville frontalière, en même temps je peux traverser des montagnes, survoler l’Océan, circuler dans les savoirs, les livres, résider quelque part tout près des morts que j’ai aimés. Je fais l’expérience concrète de la disparition (tintements, clochettes, étirements des temps, perte de la conscience, brûlure des membres, gel progressif de chaque organe, les doigts de pieds, la gorge empêchée de déglutir). Le corps qui souffre précisément est une vague, n’est qu’une vague, les vagues fluent, refluent, la tête est tranchée du corps, pense encore, mais de loin, à travers quelque toile. Qu’est ce qui sépare la mort de la vie où je demeure pourtant, écrivant ? Quelle est la césure, non pas celle séparant le dedans du dehors , non pas celle séparant le maître de l’esclave mais celle qui avale toutes les césures, celle qui définit ici le séjour des morts et là-bas le séjour des vivants ?

J’ai fait le voyage. Chaque fois, je rencontrai ce que l’on ne peut pas rencontrer. L’autre est en vie, il est en passage et bientôt se déchire d’une façon sanglante. L’autre est dans une identité impossible, stable et instable à la fois. Les rencontres se succèdent, elles ne suffisent jamais. Les rencontrés ne suffisent jamais et à force de rencontres incapables il en est de soi comme de l’autre : on disparaît, on ne peut plus être dans l’espace, on n’a plus d’espace. Il n’y a plus de collines, plus de lacs, plus de maisons. Il n’y a évidemment plus d’homme, ou alors, alors, subsiste le nom de l’homme, le nom seul. Le nom de l’homme n’est pas entamé, criblé de petits trous, d’une infinité de petits trous.

* Au métro Couronnes, un couple avec un enfant d’un ou deux ans ont été arrêtés aujourd’hui. Une soixantaine de personne a tenté de bloquer la rue pour empêcher l’arrestation. Cette photo : l’enfant endormi, les bras et le visage grave, recueilli du policier. L’image signale l’acte, dessine d’une façon qui me semble exemplaire la responsabilité de l’acte. L’image se montre, se laisse voir. Les personnes présentes par hasard au métro Couronnes ont fait circuler avec la photo le mail suivant : Si quelqu'un peut prévenir des élus afin de savoir dans quel commissariat ils ont été emmenés ? M.

Suivre les personnes, chercher les individus. Chercher les disparus. Il y a quelque temps, nous recevions un message du RESF 64.

Bonsoir, Pour rappel : trois familles brutalement expulsées de Pau ont été chacune enfermées dans trois endroits différents, sans qu'aucune information ne soit transmise aux différents soutiens.
Dans un mail du 19 avril 2009 de Muriel W. à propos d'un jeune papa de Montreuil expulsé, je lis : Il aurait été violenté d'abord dans l'avion, puis après son refus d'embarquer. Au lieu d'être présenté en comparution immédiate au TGI de Bobigny il a été emmené à l'hôpital de Bondy, où il aurait été piqué puis mis dans un avion pour Alger le soir même, de façon tout à fait illégale. D'où ma question : avez vous cherché du coté des hôpitaux à proximité de Roissy ... ? En journée, on peut téléphoner aux services des admissions. Je lis encore, dans un mail du 21 avril : Bonjour, Bientôt 15H ce mardi 21 avril, nous sommes à la recherche de Vassili KOCHAKADZE, ressortissant géorgien, que le préfet de la somme (pour mémoire) voulait renvoyer en Géorgie, lundi 20 avril. Ayant refusé de monter dans l’avion lundi, il devait passer au TGI de BOBIGNY à 13h ce mardi et pour une raison que la CIMADE de Mesnil Amelot ne s’explique pas. L’affaire a été classée sans suite et depuis, la CIMADE et le RESF Somme sont à la recherche du lieu de détention de Vassilli. Merci, si vous avez un tuyau pour le retrouver. * Si quelqu'un peut prévenir des élus afin de savoir dans quel commissariat ils ont été emmenés ? M.

[1] Claude Roy, à propos d’A. Ginsberg, Nouvel Observateur, 1968

[2] Gilles Deleuze, La logique du sens, éditions de Minuit.

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