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Billet de blog 22 janvier 2010

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Juin 2009

Au TGI, les audiences ont repris, la loi de simplification du droit concernant les délits a été votée le 28 avril. Le 13 mai, Sarah a annoncé que la loi était publiée et qu’elle entrerait en vigueur vingt quatre heures plus tard. Depuis, les retenus ne quittent plus le Centre par annulation de procédure. Et le TGI fonctionne à plein, week-end et jours fériés compris. Le 5 juin, deux personnes seulement sont présentées. La juge est installée, les policiers de la PAF boivent des cafés, le représentant la préfecture, pianote sur son ordinateur et cherche à capter des regards, l’avocate étudie les situations des deux personnes qui vont être présentées, la juge proteste qu’il est presque quinze heures, déjà.

Monsieur Malik est pakistanais. Il possède un passeport, le visa date de 2007. Grimace de la juge. Monsieur Malik a quitté le Pakistan en 2007, il est allé à Paris, puis en Espagne. C’est la première fois qu’il revient en France, il a été arrêté à la gare d’Hendaye. Il n’a pas fait de demande de régularisation en Espagne car il faut pour cela attendre trois ans, dit-il. En février de cette année il a été contrôlé par la police espagnole. Il ne s’est rien passé. Il venait en France pour demander l’asile. Et : je voulais m’installer en France. Mais vous n’aviez aucun bagage, ça semble bizarre, quand on veut s’installer. Vous dites, la juge lit le Procès Verbal : je ne possède pas grand chose. Peut-être veniez-vous pour vous renseigner simplement ?

L’interprète traduit, Monsieur Malik, une quarantaine d’années, timide, ne répond pas. L’interprète insiste : la juge demande si vous veniez juste vous renseigner. Il ne répond pas, il hausse les épaules, la juge aussi, elle sourit, elle dit : peu importe, de toute façon. Je n’ai rien, dit-il quand même, un pantalon de rechange, c’est tout. Il est comme absent. Où viviez-vous en Espagne ? Il comprend why et non where. L’interprète recommence, avec des exagérations qui seraient comiques dans une autre situation. Saint Sebastien. Non, dit la juge, je voulais dire dans quel logement, puisque vous ne possédez rien. Je vis grâce à l’aide de mes compatriotes. Monsieur .L, représentant de la Préfecture, a compris avant la traduction, il se retourne, il dit : ses compatriotes, ses compatriotes. Avec l’air de quelqu’un qui a compris et le mot et la chose – qui a compris comment se passent les choses.Votre départ est prévu le 17 juin, vous êtes prévenu ?

Personne ne bouge. Silence dans le tribunal.

Bientôt, Monsieur Malik approche une main de son œil gauche. Il baisse la tête. Il ne le savait pas, dit l’avocate. La juge : bon, c’était dans l’enveloppe, là. Alors, bon, c’est Biarritz Orly. Non Roissy. Roissy Barhein. Barhein Islamabad. Il pleure. Il parle comme à l’oreille de l’interprète. S’il vous plaît, on a déjà attenté à ma vie, je peux le prouver, si on me renvoie cette fois je pense que … L’avocate : il a déposé une demande d’asile, ce matin même, avec la Cimade. Monsieur L. : il a fait sa demande d’asile, c’est son droit. Son cas sera examiné, on verra. Combien de temps met l’OFPRA à rendre son avis ? Monsieur Malik dispose d’une trentaine de jours. Il faudrait que la décision de l’OFPRA, qui a toutes les chances d’être négative, n’intervienne qu’après ses trente jours, son temps de rétention. Sinon, il sera expulsé, et si ce n’est le 17 juin, un peu plus tard. Mais nous savons que l’OFPRA examine les dossiers très vite, nous avons des exemples, que nous énumérons, quinze jours, douze parfois, dit quelqu’un, trois semaines au mieux. L’avocate nous chuchote : il ne le dit pas, mais il a fait déjà une demande d’asile en Espagne, refusée. Il n’y a pas d’espoir de ce côté-là, donc. Aucune chance. Monsieur Malik est prostré sur le banc.

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