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Billet de blog 27 juin 2012

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fini le printemps

Le printemps s’est détaché, de gros morceaux en sont tombés, comme des peaux. Le 6 mai le soulagement a laissé vite place à une lassitude hors du commun. C’était un peu comme de revenir à soi après maladie ou violence. Puis on a appris que Valls gardait à l’Intérieur la question des flux migratoires - comme ils disent eux qui ne sont jamais rentrés dans un centre de  rétention, n’ont mis les pieds ni à Calais ni à Patras.

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Le printemps s’est détaché, de gros morceaux en sont tombés, comme des peaux. Le 6 mai le soulagement a laissé vite place à une lassitude hors du commun. C’était un peu comme de revenir à soi après maladie ou violence. Puis on a appris que Valls gardait à l’Intérieur la question des flux migratoires - comme ils disent eux qui ne sont jamais rentrés dans un centre de  rétention, n’ont mis les pieds ni à Calais ni à Patras. Notre printemps, c’était le score du FN en France en avril et le score de l’Aube dorée en Grèce. Notre printemps, c’étaient les manifestations violentes à Patras contre les demandeurs d’asile et les migrants. Notre printemps, une épée de Damoclès, presque on ne s’étonne plus que des bateaux de fortune chavirent dans la mer Méditerranée, les gosses dans les écoles de campagne trouvent qu’il y a trop d’étrangers et nos voisins parlent devant nous et à voix haute de ceux qu’ils désignent par métaphores animales. Il nous reste peu de temps mais il nous reste un peu de temps. 5 années. La liste de ce qu’on peut faire quand on voit venir, on l’invente. Mais quitter l’entre soi et parler à la ronde. Quitter l’entre soi et la clôture dans laquelle nous sommes et l’ignorance relative de ce que vivent les quelques uns qu’un discours simpliste et raciste ne convainc peut-être pas mais rassure, ravit.

 Le 19 mai un enfant demandait au collège : l’imparfait du subjonctif que vous nous apprenez, c’est juste un temps pour les écrivains ? Pour qu’ils se comprennent entre eux ? On souriait. Parfois ça disait quelque chose de la hauteur où il mettait son propos, l’écrivain, parfois ça tranchait avec la banalité du contenu. On pouvait aussi, avec l’imparfait du subjonctif, travailler la concordance des temps. Et le plus que parfait ? On visualisait l’antériorité en mode irréel. Tout cela était précis et c’était pas mal, la précision, ça devait, dans l’idée, servir à tout le monde, servir tout le monde, et qu’une langue soit complexe comme une pensée, c’était enchanteur et c’était politique. Répondait-on. Depuis l’espace du collège on comprenait pas mal de choses concernant le dehors. Il y a les petits qui ne savent pas ce qu’est une librairie et il y a ceux qui ont la trouille d’y rentrer. Il y a ceux qui sont persuadés qu’ils n’ont pas le niveau, qu’ils sont hors concours hors performances et que le lycée de la ville d’à côté, ce n’est pas pour eux. Il y a les collèges ZEP ou ECLAIR, les jeunes qui expliquent que la politique, ce n’est pas pour eux. On est agacé, quand, plus âgés, ils nous disent on ne vient nous chercher que quand on veut nos voix. On trouve que c’est un peu facile. On le leur dit. Mais on finit par voir le petit sourire intimidé, derrière. Les peurs sont de toutes sortes et il y a de sacrés moments creux. Lorsque aucun réservoir narcissique n’est plein, porter pourtant autour de soi un regard humaniste et accepter de penser en trois temps, de bifurquer, de ne pas comprendre tout de suite – et  d’étudier le presque anecdotique subjonctif imparfait…

 Le 26 mai je faisais une lecture chez Bénédicte, 5 auditeurs en tout et pour tout si on compte Bénédicte et Thierry. Le premier monsieur se demandait où étaient les racines de l’amour, on a compris qu’il voulait écrire des lettres à la Garde des sceaux pour faire libérer les prisonniers de leur prison et on a compris qu’il errait beaucoup, en ce moment. Après c’était Ginette. Agent d’entretien dans le collège de mon année dernière. Je  l’aime beaucoup. Elle a raconté qu’à 63 ans elle a pleuré devant son nouvel emploi du temps et quand son supérieur hiérarchique lui a glissé on blague pas, on avance, il va falloir changer de rythme elle a pleuré et puis elle s’est reprise, elle a dit on continue de blaguer. Avec le troisième auditeur, à la lecture chez Bénédicte, on a pensé aux 5 ans devant nous, ils nous paraissaient bien peu, on a évoqué le fait que 800 milliards se cachaient dans les paradis fiscaux et Thierry a dit que ça c’est la somme reconnue et on a parlé de l’argent européen versé en Zambie pour faire reculer la pauvreté et qui sert à l’extraction du cuivre que l’Europe importera et on s’est quitté en disant que 800 000 milliards c’était la dette grecque, grosso modo. On n’a pas beaucoup parlé de littérature.

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