Pouvoir, sexe et hétéro-normativité : même illusion, même contrôle
Le pouvoir et le sexe, c’est le même théâtre, les mêmes litanies, les mêmes illusions. Un grand jeu où tout est codifié, où l’un garantit l’autre. Avoir du pouvoir, c’est avoir accès au sexe. Être un "vrai mec", c’est prouver qu’on domine, qu’on contrôle, qu’on décide qui baise, où, quand et comment.
Et tout ça repose sur une rigidité absurde. Un truc qui se veut droit, dur, conquérant, mais qui vacille au moindre souffle. Un pouvoir dressé comme un étendard, mais qui tremble dès qu’on le remet en question. Napoléon du slip, fier de son empire, mais toujours inquiet que le vent tourne.
Regarde les figures de pouvoir : toujours les mêmes, toujours en costume, toujours des hommes hétéros, ou du moins qui s’évertuent à le paraître. Parce que le pouvoir, c’est une affaire d’hétérosexualité ostentatoire. Une parade virile où l’on s’assure que chacun reste bien à sa place. Un homme seul, sans femme officielle ou trophée sexuel, sans descendance bien alignée ? Ça fait désordre. Ça inquiète. Comme si l’autorité ne pouvait se concevoir que dans un cadre rigoureusement hétéro-normé.
On nous a longtemps vendu cette équation simpliste : avoir de l’argent, du prestige, du réseau, c’était garantir l’accès aux femmes. Parce que le sexe, dans ce système, n’est pas une rencontre : c’est un dû. Une récompense. Une validation sociale. Et si tu n’y as pas droit, c’est que tu es en dehors du jeu.
Mais le décor se fissure. La comédie sonne faux. Et soudain, on réalise que ce grand théâtre de la virilité laisse sur le carreau une foule de personnages qui n’ont jamais eu de rôle à jouer. Tous ceux qui ne cochent pas les bonnes cases : les hommes qui refusent la conquête, ceux qui aiment d’autres hommes, ceux qui ne s’inscrivent pas dans la course effrénée à la performance sexuelle.
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L’angoisse de castration : la vraie peur, c’est d’être effacé
On parle d’angoisse de castration comme d’une peur archaïque, viscérale. Mais dans le grand cirque du pouvoir, elle ne concerne pas tant la perte de l’organe que la perte de la place.
Car dans cette logique, un homme qui ne "prend" pas, qui ne séduit pas, qui ne possède pas, devient un homme incomplet. S’il ne possède rien – ni territoire, ni partenaire attitré, ni statut – alors il n’est plus un homme, il est un fantôme. Invisible, hors circuit, hors jeu.
Et cette angoisse ne se limite pas aux normes hétérosexuelles. Elle est partout où la validation sociale passe par la performance sexuelle. Dans le monde gay aussi, il y a des injonctions. Des codes de désir qui peuvent être encore plus brutaux, plus directs, plus mécaniques. Parce que si le sexe est souvent vécu avec plus de liberté, il reste aussi un espace de compétition, de hiérarchie, de lutte pour exister dans le regard des autres.
Mais est-ce réellement être "hors jeu" ? Non. C’est un autre jeu, avec ses propres règles, une autre vision du monde. Une façon de redéfinir les rapports de pouvoir, de désir, d’identité. Une manière d’échapper aux normes dominantes et d’écrire d’autres scénarios. Et c’est bien ça qui dérange.
C’est d’ailleurs pour ça que l’homosexualité masculine a si longtemps été perçue comme une menace par le système dominant. Un homme qui n’investit pas son désir dans la conquête féminine ne suit pas le scénario prévu. Il échappe au contrôle. Il dérègle la mécanique.
Même chose pour les identités queer, fluides, non-binaires : des corps, des désirs qui ne rentrent dans aucune case, donc qu’on s’empresse d’invisibiliser. Parce que dans ce modèle-là, être hors norme, c’est être hors pouvoir.
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Jouer un rôle ou disparaître : et les femmes, elles, elles deviennent quoi ?
Le plus cynique dans cette mécanique, c’est qu’elle ne bénéficie à personne. Pas même aux hommes qui semblent en tirer profit. Parce qu’eux aussi sont coincés dans un costume trop serré, un script trop rigide. Les mêmes litanies, les mêmes postures, les mêmes injonctions.
Les femmes doivent prouver qu’elles méritent d’être là. Mais lesquelles ? Pas toutes.
Celles qui ne sont pas "baisables" selon les standards du marché, celles qui sont trop vieilles, trop grosses, trop masculines, trop indépendantes, celles qui ne se conforment pas à l’image de "la bonne meuf", elles, elles disparaissent. Reléguées au ban. Au rebut.
Et pire encore : les petites filles. Celles qui ne sont même pas censées être dans la partie, celles qui sont encore hors du "marché". Trop jeunes, trop pures pour être désirables selon les règles du système. Elles, on leur apprend très tôt qu’elles doivent grandir pour entrer dans le jeu. Se préparer à être désirables, se rendre attractives, plaire.
Parce que sinon, elles aussi seront effacées.
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Et maintenant, on fait quoi ?
On peut continuer à réciter les mêmes litanies, à jouer les mêmes scènes absurdes. Ou alors, on sort du plateau.
L’enjeu, c’est d’éclater cette structure archaïque. De démonter cette illusion du pouvoir lié au genre, au sexe, à la performance. Parce que le vrai pouvoir, ce n’est pas de dominer.
C’est de choisir.
Choisir de ne plus jouer un rôle qu’on n’a pas écrit. Choisir d’exister en dehors des normes imposées. Choisir de foutre en l’air le script.
Et ça, c’est la vraie subversion.
Marie K. – Décortiquer, déconstruire, déranger. Voir autrement, et secouer ce qui semble intégré.