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Billet de blog 9 mars 2025

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On ne s'échappe pas sans raison.

"Quand l’étau se resserre et que le piège est déjà tendu, fuir devient la seule option. Pas un choix, pas une stratégie, juste un réflexe de survie. Pourtant, ceux qui fuient sont toujours ceux qu’on accuse, pendant que les vrais coupables verrouillent chaque issue. Jusqu’au jour où ils se retrouvent, à leur tour, acculés par leur propre lâcheté."

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Réprimer n'a jamais apaisé personne.

L’époque est marquée par l’affolement. Devant l’inconnu, devant l’incertain, devant ce qui dérange les habitudes, la peur s’installe. Et, trop souvent, la réponse instinctive à cette peur n’est pas la réflexion, mais l’attaque. L’agression, le rejet, l’exclusion. Comme si frapper un ennemi désigné permettait de chasser le malaise, de refermer la brèche. Comme si la violence pouvait être un remède.

Mais on ne soigne pas la peur par la violence. On l’alimente. On la fait enfler, on la déforme, on la projette sur d’autres. À force d’y répondre par la brutalité, elle se déplace, elle change de visage, elle revient sous d’autres formes. La spirale est connue. Elle produit des monstres, des conflits sans fin, une société obsédée par le contrôle et la répression, où chacun finit par devenir la menace de l’autre.

Fuir un cauchemar, ce n’est pas attaquer

Pourtant, quand certains fuient, la charge est immédiatement inversée. On les accuse d’abandon, de lâcheté, parfois même d’agression. Comme si ne pas vouloir subir était une attaque en soi. Comme si la seule réponse acceptable à l’oppression était d’y rester cloué·e, de continuer à encaisser, d’attendre sagement que les choses changent sans bouger.

Nahel n’a pas fui. Il a été exécuté. George Floyd n’a pas fui. Il a été étouffé. Quand l’État décide que certaines vies valent moins que d’autres, fuir n’est même plus une option. C’est un réflexe, un instinct de survie, une tentative d’échapper à une issue déjà écrite. Mais parfois, il n’y a plus d’échappatoire. Parfois, le piège est déjà refermé.

C’est aussi ce qui se joue pour toutes celles et ceux qui, broyé·es par un travail qui les détruit, choisissent de partir avant d’être anéanti·es. Quitter une situation invivable, ce n’est pas une attaque. C’est juste refuser d’être une cible.

L’urgence, c’est d’apprendre à désamorcer, pas à initier le pire

Si la peur engendre la violence, alors elle doit être combattue autrement. Pas par plus de répression, pas par plus de brutalité, mais par un effort de compréhension, d’apaisement, de transformation des structures qui l’alimentent.

Ce n’est pas en tuant un adolescent qu’on rétablit l’ordre. Ce n’est pas en détruisant des vies qu’on construit une société plus stable. Chaque acte de violence d’État, chaque abus de pouvoir, chaque oppression alimentent un ressentiment qui finira par exploser. La vraie urgence n’est pas d’écraser plus fort, mais de comprendre pourquoi certain·es cherchent à fuir.

On ne lutte pas contre la peur en fabriquant plus de peur. On ne fait pas taire un feu en l’étouffant sous d’autres braises.

Un projet de société : rendre visible l’invisible

Mais pour cela, il faut commencer par voir. Voir que la violence ne se limite pas aux coups et aux tirs, mais qu’elle s’infiltre dans les structures, dans les institutions, dans les habitudes.

La violence, c’est ce qui pousse un jeune homme à craindre un contrôle de police comme une condamnation potentielle. C’est ce qui enferme des milliers de personnes dans des emplois toxiques où elles ne sont plus que des pions. C’est ce qui fait qu’on préfère accuser celles et ceux qui fuient plutôt que de remettre en cause ce qui les a poussés dehors.

Un projet de société intéressant serait donc de rendre visible l’invisible. De ne plus détourner les yeux. De ne plus voir les violences comme des faits isolés, mais comme un système. De refuser cette logique où certaines vies comptent moins que d’autres, où fuir une situation intenable devient un crime.

Parce que le vrai scandale, ce n’est pas de fuir. C’est de ne laisser aucune échappatoire.

Conclusion : Stopper l’hémorragie, briser le cercle, renverser la charge.

Tout est question de communication. Pas celle qui infantilise, qui enseigne aux dominés l’art de mieux encaisser, mais celle qui met en lumière, qui refuse les récits déformés et les silences complices. Ce n’est pas aux opprimé·es d’apprendre à se faire comprendre, c’est aux oppresseurs d’être mis face à leurs actes.

L’urgence n’est pas d’enseigner la résignation, mais d’exiger des comptes. De briser le cercle des justifications, des violences qui se répètent sous couvert d’ordre, des échappatoires qui sont elles-mêmes des impasses.

Il faut stopper l’hémorragie. Reprendre la parole. Renverser la charge.

À force de refermer toutes les issues, ce ne sont plus les opprimé·es qui fuient, mais les pouvoirs eux-mêmes qui se retrouvent acculés, forcés de répondre à ce qu’ils ont toujours voulu étouffer.

Stopper l’hémorragie, briser le cercle, renverser la charge. Parce qu’il n’y a pas d’égalité dans la fuite : lâcheté d’en haut, survie d’en bas.

Marie K.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.