L’inversion perverse : Quand on apprend aux petites filles qu’elles portent le mal en elles
Depuis des siècles, une violence systémique s’acharne contre celles qu’on accuse d’être le problème, alors qu’elles sont précisément les victimes d’un système qui cherche à les réduire au silence. Cette violence est institutionnalisée, profondément enracinée dans les structures familiales, sociales et culturelles. Elle se transmet de génération en génération, évoluant pour s’adapter aux nouvelles normes, mais conservant toujours le même objectif : sacrifier celles qui osent exister autrement.
L’Histoire est remplie de ces récits travestis, où les femmes et les filles qui refusaient de se plier au modèle imposé étaient désignées comme des ennemies de la paix sociale. Les sorcières brûlées pour avoir osé savoir, soigner, penser par elles-mêmes. Plus tard, les « hystériques » qu’on enfermait pour mieux masquer les violences qu’elles subissaient. Et aujourd’hui, cette mécanique perverse s’invite dans les familles modernes, sous des formes plus insidieuses mais tout aussi destructrices.
On inculque aux petites filles qu’elles sont fondamentalement fautives. Que si quelque chose va mal, c’est forcément de leur faute. Qu’elles sont trop bruyantes, trop sensibles, trop contrariées, trop vivantes. Et ces accusations ne sont pas que des mots. Ce sont des étiquettes qui cherchent à devenir leur identité.
Puis, l’étau se resserre. Il ne suffit plus de les accuser d’être un fardeau ; il faut désormais les convaincre qu’elles sont dangereuses. Que leur présence même est une menace. Que leurs paroles, leurs colères, leurs résistances sont une forme de violence qu’il faut réprimer.
Et c’est là que le délire atteint son sommet : on les accuse d’exercer une violence systémique. On ose prétendre qu’une petite fille, une adolescente, ou même une femme adulte ostracisée, précarisée, rejetée, puisse être une force oppressive contre ceux qui ont réellement le pouvoir sur elle.
Parce qu’il faut être sacrément tordu pour oser croire, et pire, écrire noir sur blanc, qu’elle incarnerait une quelconque forme de domination. Ce qu’on lui reproche vraiment, ce n’est pas d’être violente. C’est d’oser se défendre. De refuser de se soumettre. De continuer d’exister par elle-même, malgré l’acharnement, malgré l’isolement, malgré les manœuvres insidieuses pour la réduire au silence.
Et la violence ne s’arrête pas là. Quand elle refuse de plier, on tente de la précariser, de l’isoler, de la couper de tout soutien. On cherche à la briser par tous les moyens.
Mais ce qui est peut-être le plus pervers dans cette mécanique, c’est cette capacité à retourner la réalité elle-même. À lui faire croire que si quelque chose ne va pas, c’est parce qu’elle l’a en elle. Parce qu’elle est mauvaise, problématique, dangereuse. Alors qu’elle est précisément celle qui subit la violence d’un système qui a décidé qu’elle devait disparaître.
Mais au fond, qui est réellement dangereux ? Une petite fille qui refuse d’accepter l’injustice ? Ou bien un système qui, pour maintenir son ordre établi, la pousse jusqu’au bord du gouffre en prétendant qu’elle en est responsable ?
Et pour nous, femmes victimes de ce système, quelle issue reste-t-il ? Certainement pas celle de se laisser réduire au statut de victime éternelle. Parce que se victimiser, c’est accepter le rôle qu’on cherche à nous imposer. C’est laisser le pouvoir à ceux qui veulent nous voir impuissantes, désespérées, brisées. Pour survivre, pour s’émanciper, pour reprendre le contrôle de nos vies, il faut refuser ce piège. Il faut défaire les récits qu’on cherche à nous imposer et en écrire de nouveaux, où nous sommes non pas des survivantes au sens résigné du terme, mais des combattantes lucides, capables de déjouer les stratégies perverses qui nous oppriment.
(Putain c’est dur…)
Marie K.