Les Hommes aiment-Ils Vraiment les Femmes ?
Sur certains réseaux sociaux, notamment sur TikTok, une idée circule en milieu féministe : les hommes n’aiment pas les femmes. Celles qui ont relayé cette idée expliquent que si les hommes disent aimer les femmes, c’est souvent parce qu’elles leur rendent service, anticipent leurs besoins, les maternent. Et si la femme cessait de se plier à cette attente ? L’amour masculin existerait-il encore ?
La question mérite d’être posée. Parce que ce qui se cache derrière ce constat amer, c’est bien l’assignation à des rôles qui font écho aux archétypes de la maman, de la putain, de la sorcière et de la vieille fille.
Les hommes prétendent ne plus aimer les femmes soumises, mais il reste, en réalité, un sous-texte de cette dynamique, une forme d’attente implicite, un modèle qu'ils ne cessent de chercher sous d’autres formes. Même si la soumission se cache derrière un discours de libération, elle persiste dans des mécanismes plus insidieux.
On glorifie la femme libérée, indépendante, sûre d'elle. Mais cette glorification ne vaut qu’à condition qu’elle demeure dans un rôle utile au confort masculin. Ce rôle peut prendre la forme d’une émancipation factice, tant qu’il s’accorde aux désirs des hommes. Le refus de cette soumission reste inacceptable.
Et si on parle de ces rôles, il faut bien évoquer la maman, la putain, la sorcière et la vieille fille.
• La maman qui materne, qui anticipe les besoins, qui rassure.
• La putain qui satisfait, qui est là pour plaire, combler, servir.
• La sorcière, figure de la femme qui pense, qui agit, qui refuse les normes.
• La vieille fille, celle qui échappe au regard masculin par le simple fait d'être libre de lui.
Ces rôles, qu'importe le style ou l'apparence qu'ils prennent, reposent sur une soumission qui ne dit pas son nom. Certains sont glorifiés, d'autres méprisés, mais tous servent un même système de domination qui continue d’exiger de la femme qu’elle existe par et pour l’homme.
Les hommes qui se disent progressistes, ceux qui prétendent vouloir une femme forte, indépendante, sont souvent les mêmes qui exigent d'elle qu'elle continue de jouer un rôle qui leur soit profitable. Et si l’on considère ces rôles comme des outils d’assignation, il est clair qu'ils n’ont pas disparu. Ils se sont juste transformés.
Et qu’en est-il de la responsabilité des femmes dans tout ça ? Oui, le patriarcat est un système oppressif, mais il est aussi perpétué par des schémas reproduits inconsciemment. Cette fameuse charge mentale que l’on incombe aux femmes ne vient pas seulement des hommes.
Toute ma vie d'enfant... j'ai entendu ma mère, ma grand-mère, dire à mon frère, à mon père, à mon grand-père : « C’est pas à toi de le faire... » Un message tacite, qui se retrouve bien plus tard dans notre rapport au monde.
C’est aussi nous, femmes, qui perpétuons ces mécanismes par reproduction schématique, par fausses croyances, mais profondément ancrées. Et tant que ces croyances ne sont pas brisées, nous restons prisonnières d’un système qui nous oppresse autant qu’il nous conforte.
Alors, comment en finir avec ces impostures ? Peut-être en commençant par reconnaître qu’en acceptant ces rôles, en les perpétuant inconsciemment, on les maintient en vie. Et que si la déconstruction doit venir des hommes, elle doit aussi venir des femmes. Parce que continuer à se battre seule, alors qu’on a toujours été là pour eux, pour leur confort, leur bien-être, pour l’égalité des droits, c’est refuser d’admettre qu’il y a un enjeu plus profond à résoudre. Celui de l’acceptation de cette réalité, et du courage qu’il faudra pour la transformer.
Post-scriptum :
Ce « C’est pas à toi de le faire »… Ce n’est pas juste une phrase qu’on répète par habitude. C’est un principe qui se glisse dans le quotidien, dans les rapports de travail, dans l’organisation même des tâches. Ce n’est pas invisible, au contraire, c’est la pierre angulaire de la hiérarchie. Que ce soit dans le privé ou le public, la division des tâches est pensée pour faire tenir l’ordre : toi, tu fais ça, et pas autre chose. Cette répartition, loin de masquer le pouvoir, le cristallise. C’est le principe même de la hiérarchisation, des rôles attribués et des chaînes de commandement. Derrière cette phrase se cache une logique de contrôle bien ancrée, qui ne se contente pas de distribuer le travail, mais impose un système de domination où, par androcentrisme, on reviendrait à reléguer toutes les décisions, tous les droits. En l’acceptant, on laisse le système en place, figé dans ses attentes, où chacun reste à sa place.
Marie K.