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Billet de blog 14 mars 2025

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Féminisme sous tension : Quand le combat se fait écharde.

"Le féminisme repose sur des principes fondamentaux comme la sororité et l’inclusivité. Pourtant, des courants divergents fragilisent le mouvement, du féminisme essentialiste aux dérives du libéralisme. Cet article explore ces tensions et l’importance de maintenir l’unité et la solidarité pour un féminisme efficace."

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Introduction : La norme académique vs. la réalité des parcours féministes

Les systèmes traditionnels de transmission du savoir nous invitent à apprendre et appliquer des vérités immuables. Dans l’éducation, on nous enseigne des règles fixes, des réponses toutes faites. Mais le féminisme échappe à cette logique. S’il n’est pas une doctrine aux règles fixes et dogmatiques, il repose néanmoins sur des principes fondamentaux, dont la sororité et l'inclusivité. Chaque parcours féministe est une réponse individuelle à une situation particulière, à des oppressions spécifiques. Si certains ont le luxe d’évoluer dans des contextes plus protégés, d’autres mènent une lutte de tous les instants, parfois dans la rue, parfois au sein des familles, parfois dans l’intimité de leur propre esprit. Le féminisme n’est pas un savoir académique ; c’est une lutte vécue, marquée par des victoires et des défaites, mais aussi par un ensemble de résistances qui s’enracinent dans des trajectoires personnelles multiples. Il n’est pas une voie linéaire, mais une série de chemins sinueux, parfois contradictoires, mais toujours marqués par une volonté commune de transformation.

1. La sororité : Un principe de résistance collective

C’est dans ce contexte d’individualité partagée que la sororité devient essentielle. Elle n’est pas simplement un mot à la mode, mais un principe de résistance collective. La sororité se nourrit des histoires personnelles de chacune et s'érige en front face aux oppressions systémiques qui cherchent à nous diviser. Elle transforme des luttes solitaires en combats collectifs. Dans un monde où l’individualisme semble être la norme, la sororité nous invite à opter pour une solidarité qui dépasse nos différences, une solidarité où l’on se soutient non pas malgré nos divergences, mais grâce à elles. Cette forme de résistance féminine repose sur l’écoute, l’empathie, la reconnaissance de nos vécus divers et la conviction que l’union fait la force. La sororité, c’est ce qui permet de surmonter les fractures internes au féminisme, celles liées à la race, à la classe sociale, à l’âge, à la sexualité. C’est par elle que l’on transforme ces fractures en source de richesse, au lieu de les laisser devenir des obstacles.

2. Les fractures internes et courants féministes : Quand certains choix semblent contre-productifs

Mais le féminisme n’est pas exempt de contradictions internes. Certains courants, bien qu’ils revendiquent la lutte pour l’égalité des genres, adoptent des stratégies et des discours qui, loin de renforcer la cause, peuvent la fragiliser. Ces courants qui, parfois, semblent se concentrer sur des aspects trop particuliers du féminisme, risquent de perdre de vue l’objectif commun de libération de toutes les femmes.

Prenons l'exemple du féminisme libéral, tel qu’incarné par des figures comme Marlène Schiappa , qui, tout en défendant l’égalité des droits, adoptent des postures qui peuvent sembler déconnectées des réalités sociales des femmes les plus précaires. Ce féminisme, souvent porté par une vision laïque et individualiste, semble se concentrer davantage sur des revendications abstraites et des avancées juridiques, tout en négligeant les réalités de classe, de race, ou même de certaines formes de féminisme intersectionnel. En se concentrant uniquement sur des luttes spécifiques, comme la laïcité ou l’autonomie individuelle, ces courants risquent de fragmenter le mouvement plutôt que de le renforcer.

D’autres courants, parfois incarnés par des féminismes abolitionnistes ou par des mouvements droitardes, ou encore par l’extrême droite, apportent également une touche contre-productive au mouvement. Ce discours centré sur la criminalisation de certaines pratiques ou l’exclusion des femmes de certaines réalités sociales devient stérile. Ces luttes peuvent créer des divisions, mais aussi des pertes de sens dans une action collective qui doit avant tout être tournée vers la réconciliation de toutes les femmes face aux mêmes oppressions.

Un féminisme plus inclusif et pragmatique serait celui qui comprend les différentes réalités vécues par les femmes, tout en évitant de transformer la lutte en un affrontement stérile où les divisions prennent le dessus sur l’unité. En intégrant les différentes voix et en privilégiant un dialogue ouvert, il est possible de construire un mouvement plus cohérent, plus solide et plus fort dans ses revendications.

3. La sororité et l’éducation : Un féminisme vivant et transmissible

La sororité devrait être un outil d’éducation, si elle ne l'est pas déjà et ce, à plusieurs niveaux. D’abord, elle est essentielle à la transmission du féminisme entre générations. La lutte ne commence pas et ne finit pas avec une génération. Les jeunes militantes s’appuient sur les expériences des aînées, mais elles apportent aussi de nouvelles perspectives et de nouvelles pratiques. C’est par cette transmission dynamique, ce dialogue intergénérationnel, que le féminisme reste vivant, qu’il continue de se réinventer. Les sororités entre femmes plus jeunes et femmes plus âgées sont essentielles pour construire un mouvement résilient. Mais l’éducation féministe ne se limite pas à un échange entre générations : elle se nourrit aussi de l’échange entre les différentes réalités féministes, qu’elles soient urbaines, rurales, intellectuelles ou militantes de terrain. La sororité transforme alors l’éducation féministe en un processus vivant, qui se nourrit des expériences de toutes.

4. Conclusion : La sororité, la force d’une lutte toujours renouvelée

En fin de compte, ce qui fait la force du féminisme, ce qui le maintient vivant et dynamique, ce n’est pas une recette toute faite ni une voie toute tracée, mais la sororité. C’est elle qui permet aux individualités de se rejoindre, aux expériences de se croiser, et aux luttes de se renforcer. Loin de tout dogmatisme, le féminisme est un espace d’invention, de lutte, et surtout, de solidarité active. C’est par la sororité que nous continuons d’écrire ce mouvement, à la fois collectif et singulier, universel et profondément personnel.

La sororité n’est pas simplement un principe, c’est l’essence même de notre résistance face aux oppressions systémiques. Elle permet à chacune de nous de s’épanouir, tout en contribuant à l’édifice d’un féminisme plus fort, plus inclusif, et plus capable d’imaginer un futur meilleur pour toutes.

Marie K. 

1. A titre personnel, pr résumer, il n'existe pas, pour moi, de féminisme de droite et d'extrême droite comme il n'existe pas non plus de feminisme androcentré et EXCLUSIF .

2. Ce qui serait souhaitable, à terme c'est de pouvoir vivre une sororité comme il existe une solidarité masculine.

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