Les Rôles Imposés : Un Enchevêtrement Historique et Culturel
Le sacrifice et la passivité comme attributs fait femme, ne peuvent pas être seulement abordés comme des traits de caractère innés. Ce n'en sont pas. Au même titre que la haine ou la virilité, il ne s'agit pas moins là que de constructions sociales à caractère adaptatif (acquis). Ils sont profondément liés à l’histoire de l’oppression patriarcale, de l’évolution des structures familiales et des rôles sociaux assignés aux femmes. L’analyse des mythes, des pratiques religieuses et des coutumes sociales nous permet de comprendre comment ces concepts ont été cristallisés, avant de se diffuser à travers les générations sous forme de « vérités universelles » que tout le monde doit accepter.
L’Évolution des Rôles de Genre : Du Sacrifice au Paternalisme
Les mythes ont joué un rôle fondamental dans la construction des rôles de genre. Prenons par exemple les récits antiques, où les figures féminines sont fréquemment perçues comme des mères sacrificielles, des figures de dévouement total à la famille ou à la société. Dans l’Antiquité, les femmes étaient perçues comme des instruments de la reproduction sociale. Cette idée a été formalisée par des religions qui glorifient le sacrifice, notamment dans le Christianisme, où la figure de la Vierge Marie représente la pureté et la soumission dans l’acceptation des souffrances. La femme doit se sacrifier pour le bien de la communauté, en portant le poids des attentes sociales. Elle doit donner sans attendre, sous peine d’être perçue comme égoïste ou indigne.
Mais au-delà du sacrifice religieux, cette structure s’est implantée dans la sphère familiale, sociale et même relationnelle. La femme devient le pilier de l’ordre domestique. Elle se voit attribuer des qualités de douceur, de patience, d’obéissance, souvent au détriment de ses propres aspirations. L'idée de la femme sacrifiée pour la famille ou la société a été perçue comme une norme naturelle pendant des siècles. Mais ce modèle, loin d'être inné, a été imposé par la culture dominante et les structures de pouvoir pour maintenir une hiérarchie de genre.
La Religion : Le Sacrifice Sacralisé
La religion, en particulier dans ses formes les plus influentes comme le christianisme, a joué un rôle majeur dans l’institutionnalisation de la passivité et du sacrifice féminin. La figure de la Vierge Marie, par exemple, incarne à la fois la pureté, la soumission et la souffrance silencieuse, des qualités qui ont été idéalisées dans l’imaginaire collectif. La souffrance de Marie, souvent perçue comme un acte de rédemption et de vertu, a cristallisé l’idée que la femme doit souffrir pour le bien des autres, et que cette souffrance est une forme de sainteté.
Dans l’Ancien Testament, la femme est souvent représentée comme étant subordonnée à l'homme et sa vocation principale reste la reproduction, la maternité, et le soutien moral du foyer. La religion, par l'intermédiaire de ses textes et de ses pratiques, a donc participé activement à la construction de la figure féminine sacrificielle. Cela a eu des répercussions sur les femmes à travers les âges, créant un modèle où le sacrifice est non seulement valorisé, mais vu comme une forme de rédemption ou de pureté.
La Passivité : Le Détournement de la Liberté Individuelle
Derrière la passivité, il y a un double mouvement de contrôle social et de rejet de la liberté féminine. Les femmes ont été historiquement définies par l'idée qu’elles sont plus proches de la nature et moins enclines à l'action. Elles sont « naturellement » destinées à l’épanouissement familial et au soutien des autres, plutôt qu’à la conquête ou à l’action dans le domaine public.
Mais cette idée de la femme passive s’enracine également dans l’histoire de la philosophie, du droit et de la politique. L’époque des Lumières et la montée de l’individualisme ont longtemps prôné la liberté pour tous, mais cet idéal a été exclusif. Si l’homme était vu comme l’individu libre, l’agent de sa propre destinée, la femme était réduite à une figure secondaire, souvent en charge de la sphère privée, et donc écartée du domaine public de la politique et de l’économie.
Les Mécanismes d'Intégration : L’Éducation comme Outil de Conditionnement
Un autre aspect essentiel du maintien de cette passivité et du sacrifice réside dans les mécanismes d'intégration au sein de la famille et de la société. L'éducation des filles a toujours été centrée sur l'idée de conformité aux normes sociales. Dès leur plus jeune âge, les filles apprennent à jouer des rôles passifs. Elles sont encouragées à être douces, patientes, et soumises à l’autorité des figures masculines, qu’il s’agisse du père, des enseignants ou des figures d’autorité religieuse.
Cette éducation à la passivité est renforcée par les systèmes éducatifs, les livres, les films, la publicité et les réseaux sociaux. Elles sont formées pour être en retrait, ne pas déranger, et gérer les problèmes en silence.
Les Relations d’Abus : Une Dynamique Pervasive
Les relations abusives, qu’elles soient sentimentales, familiales, professionnelles ou sociales, reposent souvent sur la manipulation de ces mêmes concepts de passivité et de sacrifice. L’abuseur impose un schéma où la victime doit se sacrifier pour maintenir la relation, où sa propre volonté est effacée au profit des attentes de l’autre.
Ces dynamiques sont souvent entretenues par la culpabilisation, l’isolement et la dévalorisation. La victime est poussée à croire qu’elle mérite son sort, ou pire, qu’elle a choisi cette situation par sa propre incapacité à répondre aux attentes sociales.
Les structures culturelles qui valorisent la passivité et le sacrifice renforcent ces schémas destructeurs. Les femmes qui s’écartent de ces attentes sont souvent perçues comme égoïstes, ingrates ou déviantes. Rejeter ces normes implique un coût social élevé, mais c’est aussi le premier pas vers une véritable émancipation.
Pourquoi Ce Carcan Est Confortable et Son Coût
Le carcan de la soumission peut sembler confortable, car il offre une forme de sécurité. Il existe une facilité dans l’acceptation des rôles traditionnels, dans le maintien des habitudes et des attentes sociales.
Le prix à payer, cependant, est élevé : se résigner, c’est étouffer ses propres désirs, renoncer à sa liberté, et se laisser piéger dans un rôle qui nie l’individualité.
Vers une Réappropriation de l’Identité Féminine
Rompre avec cette logique implique de déconstruire ces mécanismes de contrôle et de rejet qui sont à l’origine même de la construction de sacrifice. Il est essentiel de comprendre que ces comportements ne sont pas innés, mais inculqués par des siècles de conditionnement social.
Il ne suffit pas de prôner l’émancipation individuelle si elle ne s’accompagne pas d’une remise en question des systèmes qui produisent et perpétuent ces rôles. La société doit cesser de valoriser la soumission des femmes dès leur enfance et de normaliser la passivité comme une vertu.
Cette réappropriation passe par une éducation qui valorise l’autonomie, la force, et la liberté d’agir des femmes, ainsi que par une critique ouverte des institutions qui continuent de promouvoir ces modèles archaïques. Lutter contre la passivité imposée, c’est refuser d’être réduit·e à un rôle, c’est exiger le droit de définir sa propre existence.
Marie K. en étroite collaboration avec présence toxique.