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Billet de blog 19 mars 2025

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Grossophobie : Le Corps en Dévalorisation, Une Discrimination Invisible

La grossophobie est une discrimination systémique enracinée dans nos sociétés, notamment envers les femmes, et issue de logiques racistes et coloniales. Cette stigmatisation des corps gros, perçus comme déviants ou inférieurs, a été intellectuellement légitimée pour justifier l’exclusion sociale.

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La Grossophobie : Une Discrimination Systémique et ancrée dans l'Histoire

La grossophobie, c’est bien plus qu’une simple aversion envers les corps dits « gros ». C’est une discrimination systémique, profondément enracinée dans les normes sociales et historiques, qui a des impacts dévastateurs, particulièrement pour les femmes. D’un rejet souvent implicite mais cruel des personnes en surpoids à l’idée que ces corps sont en eux-mêmes des symboles de faiblesse, cette stigmatisation s’est construite à travers des siècles de normes sociales.

L’Héritage Historique de la Discrimination Corporelle : Des Champs de Coton à Aujourd’hui

La grossophobie trouve ses racines dans les idéologies racistes et classistes des sociétés coloniales. Les supremacistes blancs, qui cherchaient à maintenir leur domination, ont classifié les corps selon des critères qui servaient à maintenir un système d'exploitation et de hiérarchie. Ce système, qui a vu les corps des esclaves noirs être traités comme des biens à utiliser, a largement influencé la manière dont les corps ont été perçus à travers l’histoire. Au fur et à mesure, la société a commencé à associer la graisse à la paresse, la débilité, l'indignité et à une dévalorisation systématique des corps des personnes plus larges, particulièrement celles issues des classes populaires.

Les idéologies du contrôle du corps s’inscrivent dans une longue tradition où des catégories comme le faible, le défectueux et l'inutile ont été associées aux personnes en surpoids. Et aujourd'hui, cette dévalorisation continue de se perpétuer. Ce phénomène, souvent invisible, fait partie intégrante de la manière dont le système social classe et marginalise certaines populations, souvent de manière pernicieuse.

Les Enjeux Sociaux : Rejet, Ostracisme et Perception de la Faiblesse

La société contemporaine continue de nourrir cette discrimination sociale en attribuant aux personnes en surpoids des caractéristiques négatives. Ces personnes sont souvent vues comme paresseuses, moins capables ou moins dignes d’être aimées. On leur recommande de se conformer aux standards corporels de la minceur, d’autant plus quand il s’agit de femmes, en imposant un idéal qui fait d’elles des citoyennes de second ordre.

Les conséquences sont directes : exclusion professionnelle, marginalisation dans les cercles sociaux et parfois un véritable ostracisme. Dans le monde de l’emploi, les personnes grosses se retrouvent souvent dans des rôles subalternes, où leurs capacités sont moquées, voire ignorées. Ce rejet peut avoir des répercussions énormes sur le plan émotionnel et psychologique, aggravant l’isolement social.

Les Culpabilités de Genre et L’Idéal Féminin : Une Double Peine

Les femmes sont particulièrement vulnérables à cette discrimination, car elles doivent se conformer à un double standard : plaire aux hommes tout en étant considérées comme des actrices de la société active. Pendant des décennies, l’idéal féminin s’est centré sur une silhouette mince, souvent inatteignable. Ce modèle de féminité a été forgé dans des années où la norme de beauté était celle des mannequins des années 90, des femmes aux tailles fines et aux formes standardisées. À cette époque, la minceur était érigée comme un passeport pour la beauté et la réussite.

Mais depuis quelques années, des figures comme Beyoncé ou Kim Kardashian ont permis une évolution de cet idéal, apportant une tolérance pour des formes plus généreuses, notamment des courbes. Cependant, cette évolution reste marquée par la norme de jeunesse et de modes corporelles définies, qui continuent de renforcer une culture de l’apparence et de la perfection.

Le Corps et l’Histoire : Une Construction Sociale

L’idéal de beauté féminin a également évolué au fil du temps, en réponse aux mutations sociales et politiques. Dans les années 60, la féminité traditionnelle se caractérisait par la soumission à des normes strictes et l’obligation de répondre à des modèles rigides de beauté. À l’époque, des icônes comme Marilyn Monroe incarnaient la sensualité et le corps plein, mais elles étaient également des symboles de la soumission à des idéaux sociaux patriarcaux.

Les années 70 ont introduit une femme plus émancipée, influencée par les mouvements féministes et par l’idée de libération du corps. C’était une époque de lutte pour les droits des femmes, où les femmes ont commencé à revendiquer le droit d’être actives, libérées, et de choisir leurs propres corps. Cependant, cet idéal a continué de valoriser la silhouette mince, tout en élargissant progressivement la définition de la féminité.

Dans les années 80 et 90, l’androgynie et la minceur extrême ont été les principaux modèles de beauté, incarnés par des figures comme Kate Moss. Aujourd'hui, l’évolution des normes corporelles tend vers un idéal de diversité, mais la minceur, la jeunesse et les corps de performances sont encore dominants.

Conclusion : Une Lutte Pour la Diversité Corporelle et la Fin des Idéaux Uniformes

Aujourd’hui, l’idéal féminin se diversifie, mais les normes sociales, économiques et médiatiques continuent d’exercer une pression considérable sur les femmes et les personnes en surpoids. Les mouvements body positive et les luttes féministes appellent à une acceptation des corps dans toute leur diversité et à une remise en question radicale des normes imposées par une société consumériste et patriarcale.

Là où d’autres formes de discriminations, comme celles liées à la race ou à l'ethnie, bénéficient parfois de réseaux de solidarité pour se défendre, les personnes grosses restent, quant à elles, souvent isolées. Leur exclusion sociale, bien que de plus en plus reconnue, nécessite encore des changements profonds dans nos mentalités, nos structures professionnelles et médiatiques. Le chemin vers l’acceptation de tous les types de corps est encore semé d’embûches, mais il est possible. Pour cela, il est essentiel de mettre en lumière cette discrimination systémique, de combattre les stéréotypes et de bâtir des alliances inclusives, qui permettent à chaque individu de se sentir pleinement respecté, quelle que soit la taille de son corps.

Marie K.

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