Conformisme et perversion : le silence complice face au drame de Gaza
Dans un monde saturé d’images et de discours aseptisés, la catastrophe humaine à Gaza révèle une vérité dérangeante : l’indifférence occidentale n’est ni accidentelle ni innocente. Entre conformisme aveugle et perversion intellectuelle, nous sommes devenus complices d’un abandon moral qui légitime l’inacceptable.
I. Conformisme et perversion : racines d’un abandon moral
Le conformisme n’est pas seulement une posture sociale, c’est un refuge contre la pensée critique, le doute et le conflit intérieur. Il est le masque des majorités silencieuses qui préfèrent éviter les remous plutôt que de s’interroger. En politique comme dans la société, il légitime tout, tant que la routine n’est pas dérangée. Ainsi, ce qui devrait révolter devient normal.
La perversion, elle, est l’étape suivante : l’éthique se plie, se déguise pour justifier l’injustifiable. Là où le conformisme détourne le regard, la perversion construit un récit, rationalise la barbarie, habille le mensonge d’une apparence morale.
Ces deux mécanismes, apparemment opposés, s’allient dangereusement : le conformisme paralyse l’action, la perversion légitime la violence. Ensemble, ils fabriquent un climat de déni, de complicité passive — voire active.
II. Gaza, le trop-plein d’images et le vide de l’Occident
Ce qui se passe à Gaza devrait ébranler les consciences. Mais c’est l’inverse qui arrive. Plus les images affluent, plus l’attention décroît. Plus les témoignages s’accumulent, plus la parole devient tiède, prudente, codée. L’Occident — États et sociétés civiles — semble engourdi.
On parle de « guerre compliquée », de « conflit ancien », on dilue la responsabilité. On refuse de voir que ce n’est pas une guerre, mais une destruction méthodique.
Le conformisme pousse à la neutralité, à la peur de « mal dire », de « prendre parti ». La perversion intervient quand on accuse les victimes : « boucliers humains », « frappes ciblées », comme si les enfants morts étaient des dommages collatéraux acceptables.
Ce monde qui se croit libre préfère sa paix intérieure à la justice. Le confort moral de la distance prime sur l’inconfort de la vérité. Gaza devient un décor tragique, un bruit de fond dans la pièce d’une civilisation qui ne sait plus regarder en face.
III. Le point de vue israélien pro-État : perversité assumée, conformisme stratégique
Dans le discours officiel israélien et chez ses soutiens, la guerre n’est pas une tragédie, mais une nécessité. Une réponse. Une revanche. Une stratégie froide et méthodique.
On justifie tout : bombardements massifs, coupures d’eau, hôpitaux détruits. Le langage est militaire, chirurgical, aseptisé. On parle d’objectifs, de neutralisation, de sécurité. Les corps, eux, s’effacent.
La perversion règne : « s’ils meurent, c’est qu’ils l’ont cherché ». L’enfant devient suspect, la vieille dame un dommage collatéral, la mort un simple chiffre.
Le conformisme s’incarne dans le silence complice d’une partie de la population, dans la peur de désapprouver, dans la croyance aveugle que l’État a toujours raison, que la force est la seule langue valable.
Ce n’est plus une guerre : c’est une machine. Ceux qui dénoncent sont accusés d’antisémite, de traître, d’ignorant. La perversion ici est d’avoir retourné l’histoire comme une arme, de faire du « plus jamais ça » un « ça, mais pour nous seuls ».
IV. L’indifférence fabriquée et l’ère du vide
Ce n’est pas que les gens ne ressentent plus rien. On leur a appris à ne rien ressentir pour ce qui n’est pas eux. L’indifférence n’est pas un accident, c’est un produit manufacturé.
Elle naît d’années de discours technocratiques, de divertissements constants, de mots vides. Dans une époque où tout doit aller vite, tout doit être digérable, où neutralité rime avec absence de courage.
Nous vivons dans une ère du vide, comme l’a décrit Lipovetsky : émotion instantanée, brève, égoïste. L’image d’un enfant mort choque… cinq secondes, avant de céder la place à une publicité ou une série Netflix.
Ce n’est pas le cœur qui manque, mais la structure, l’imaginaire, la parole, les liens. Dans cette désensibilisation, conformisme et perversion prospèrent. L’indifférence devient norme, et ceux qui s’en écartent — trop en colère, trop émus, trop bruyants — sont isolés, moqués, marginalisés.
On laisse mourir, à distance, avec la tranquillité de ceux qui ont « autre chose à faire ».
Conclusion : il est temps d’agir
Conformisme et perversion ne sont pas des accidents de parcours, mais les piliers invisibles de notre époque.
Ils permettent que des génocides aient lieu dans un monde hyperconnecté, que des États tuent sans perdre la face, que des sociétés entières cessent de ressentir.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas une aberration isolée. C’est le reflet glaçant de ce que nous sommes devenus : des êtres saturés d’images, vidés de liens, hantés par la peur de mal dire, par la peur d’agir.
Mais il n’est pas trop tard. Chacun de nous porte une responsabilité. Refuser l’indifférence, nommer l’injustice, dénoncer la perversion du discours, briser le conformisme paralysant — c’est réapprendre à voir, à ressentir, à s’indigner.
Agir, c’est sortir de la passivité, c’est rejoindre les voix qui disent non, c’est refuser d’être complices.
L’heure est à la révolte morale. Car rester silencieux, c’est devenir complice.
Marie K., pour la vérité et la responsabilité collective
PS : Faire la guerre à la guerre, c’est oser s’indigner en redonnant du sens aux mots, mais pas seulement. C’est aussi chercher des solutions concrètes où chacun assume sa part de responsabilité, en réformant les mécanismes qui rendent possibles ces décisions machiavéliques et mortifères. Aujourd’hui, on en est arrivés à parler des « charriots de Gédéon » pour justifier l’emprise criminelle d’Israël sur la bande de Gaza. Cette référence biblique, censée symboliser une guerre sainte menée par un héros, est détournée pour légitimer une occupation brutale et une destruction massive. Ce glissement sémantique illustre à quel point le langage peut être perverti pour masquer la réalité d’une oppression systématique. Redonner du sens, c’est refuser ces manipulations, rejeter les justifications simplistes, et retrouver la vérité dans un monde saturé d’images et de discours vides. Et surtout, reconnaître que tout cela a pu se produire parce que trop nombreux ont choisi de ne rien voir, de ne rien dire, de ne rien entendre en choisissant le spectacle ( réflexe de pensée passive, assistanat, manque de courage, malhonnêteté et manque d'intégrité intellectuelle et morale ), plutôt que la prise de décision rapide et efficace histoire de redonner du sens à ce qui appelle à la responsabilité. Quand on décide d'endosser un costume et qu'on y parvient, on assume. On n'érige pas du bouc emissaire sous prétexte qu'il faudrait tout faire pour garder le pouvoir.