La solidarité masculine : un système informel et implicite de protection
La solidarité masculine n’est pas simplement une question de camaraderie ou de liens d'affinité personnelle. Elle repose sur un mécanisme informel et implicite, qui se constitue sur des intérêts partagés, mais aussi sur des dynamiques de pouvoir et des relations interpersonnelles qui renforcent le maintien des privilèges masculins dans la société. Ce système de solidarité n’est pas uniquement le fait d’une affinité de classe, bien que celle-ci en fasse partie, mais aussi le produit de mécanismes plus larges, qui permettent aux hommes de se soutenir mutuellement dans un cadre où les rapports de force sont régis par des intérêts privés.
Les hommes, en effet, se regroupent et se protègent dans ce cadre, que ce soit pour défendre des privilèges collectifs ou pour garantir la pérennité d’un système patriarcal. Cette solidarité, loin d’être construite sur des bases affectives ou d'amitié, fonctionne sur des logiques tacites et implicites. Elle est l’expression d’un réseau de pouvoir dont les hommes bénéficient sans avoir nécessairement besoin de se connaître ou de s'apprécier personnellement. C’est ce qui fait la force de la solidarité masculine : elle s’appuie sur une logique d’intérêts privés qui se manifestent dans des situations où des comportements problématiques ou abusifs peuvent être ignorés, minimisés, ou même protégés au nom de l'intérêt commun.
Cette solidarité s'exerce dans des institutions qui ne servent que de véhicule à cet ordre établi et dans des contextes sociaux où les hiérarchies de genre sont évidentes. Dans des environnements professionnels, dans des sphères politiques ou judiciaires, ou même dans la sphère privée, cette solidarité permet aux hommes de se protéger les uns les autres sans remettre en question l'ordre établi. Ce n’est pas un phénomène fondé sur l’affection ou la camaraderie, mais bien sur un mécanisme structuré de défense des privilèges masculins. C'est ce qu'on peut entendre par "informel" : un réseau qui fonctionne, de manière implicite, organisé et sans discussion, pour préserver les positions de pouvoir, et ce, sans besoin de lien affectif.
Les femmes dans la dynamique de solidarité masculine
Si la solidarité masculine semble concerner principalement les hommes, il est réducteur de l’analyser comme un phénomène strictement masculin. Les femmes, qu’elles en soient conscientes ou non, participent activement à ce système de pouvoir. Elles ne sont pas seulement des spectatrices passives mais peuvent être des actrices actives de cette dynamique, en renforçant, parfois de manière volontaire, les normes patriarcales qui maintiennent les hommes dans des positions de domination.
Certaines femmes choisissent délibérément de fermer les yeux sur les abus commis par des hommes ou même d'approuver certains comportements dans l'espoir de tirer des avantages sociaux ou professionnels. Par ce soutien, elles s’assurent une place dans le système, en validant les comportements masculins et en devenant ainsi des alliées stratégiques dans ce jeu de pouvoir. Elles peuvent également devenir des complices actives, non seulement pour leur propre bénéfice, mais aussi en raison de la socialisation patriarcale qui les pousse à se conformer aux normes dominantes.
Cette complicité se traduit parfois par une protection active des hommes en position de pouvoir. Certaines femmes, dans leur rôle d’actrices sociales, réduisent la portée des dénonciations, minimisent les actes de violence ou se désavouent des femmes qui dénoncent ces comportements. Elles participent ainsi à la perpétuation de l’ordre patriarcal, que ce soit par conformisme ou par calcul personnel.
L’impact des institutions dans la consolidation de la solidarité masculine
Les institutions, qu’elles soient juridiques, éducatives ou professionnelles, jouent un rôle central dans la consolidation de cette solidarité. Elles participent, souvent de manière silencieuse et invisible, à l’entretien de ce réseau informel, notamment en protégeant les intérêts masculins. Dans les tribunaux, par exemple, les hommes bénéficient fréquemment d’une présomption d’innocence plus forte que celle des femmes, ce qui permet à de nombreux comportements abusifs d’être minimisés ou ignorés. Les femmes, victimes d’agressions ou de violences, se heurtent souvent à des systèmes judiciaires qui minimisent leur parole et mettent en doute leur crédibilité.
Cette logique se retrouve aussi dans d’autres secteurs : dans les écoles, par exemple, où la parole de l’homme (ou de la figure paternelle) est souvent privilégiée. L’autorité paternelle est parfois plus valorisée et respectée que celle de la mère, et bien qu'il n’y ait pas nécessairement de volonté consciente de favoriser les hommes, le système institutionnel tend à renforcer cette inégalité.
Une solidarité fondée sur des intérêts privés, au-delà des affinités de classe
La solidarité masculine repose sur un principe d'affinité de classe, mais il serait réducteur de limiter cette dynamique à ce seul facteur. En réalité, elle est avant tout le fruit de mécanismes d’intérêts privés qui servent à maintenir une hiérarchie et un pouvoir. Les hommes se soutiennent non pas uniquement parce qu’ils partagent une même classe sociale, mais aussi parce que leurs intérêts et leur réseau de pouvoir les poussent à se défendre les uns les autres, qu’ils soient proches ou non.
Il est important de comprendre que la solidarité masculine se joue à la fois sur des affinités de classe, mais aussi sur des logiques d’intérêts privés qui vont au-delà de ces catégories sociales. Ainsi, il peut exister une solidarité entre des hommes issus de classes sociales très différentes, à partir du moment où des intérêts communs sont partagés, par exemple dans la défense de positions de pouvoir ou dans la protection d’un ordre patriarcal qui bénéficie à tous. Ce réseau est plus qu'une simple solidarité de classe : il est l'expression d’un mécanisme de maintien d’un pouvoir dominant, qui se déploie indépendamment des spécificités de classe et qui s’adapte à des intérêts stratégiques plus larges.
Conclusion : une solidarité qui dépasse les apparences
La solidarité masculine est donc bien plus qu’une simple question de classe ou de relations personnelles. Elle constitue un réseau implicite et informel (réseaux filamentaires) , qui permet de préserver un système où les hommes se soutiennent, parfois malgré eux, mais toujours en fonction de leurs intérêts privés et de la protection d’un ordre établi. Cette solidarité n’est pas qu’une affaire de camaraderie ou de liens d’affinité, mais bien une stratégie collective pour maintenir des positions de pouvoir et des privilèges masculins dans un système patriarcal. Pour que ce système perdure, il s’appuie sur des institutions et des dynamiques invisibles qui protègent l'intégrité du groupe et empêchent l'émergence d’une remise en question de l’ordre établi.
Marie K. qui axe son article essentiellement autour de la race blanche et assimilés.