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Billet de blog 25 mars 2025

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Enfants sous contrôle : de la domination à l’exclusion

De tout temps, les enfants ont subi la domination des adultes, entre abus et autres excès, justifiée par la religion, l’éducation ou l’autorité. Cette misopédie se traduit par leur exclusion croissante et une vision infantilisante du peuple. Ce mépris de l’enfance révèle une société fondée sur la répression plutôt que sur l’émancipation.

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Betharram et les autres : sortir de la domination adulte

Alors que les violences envers les enfants font la une des médias, il est urgent d’aller au-delà des faits divers pour en saisir l’ampleur et la profondeur. Loin d’être des cas isolés, ces violences s’inscrivent dans une culture millénaire de domination des adultes sur les enfants, une culture justifiée au nom de la religion, (qu'on soit athée ou pas, on est toujours influencé par au moins une religion d'origine)  de l’éducation ou de principes prétendument moraux.

Une violence systémique et historique

Chaque année en France, 160 000 enfants recensés sont victimes de violences sexuelles. Ce chiffre glaçant ne représente qu’une partie du problème. Il s’ajoute aux violences physiques, psychologiques et institutionnelles qui, trop souvent, restent invisibles ou minimisées. Derrière ces statistiques, il y a une réalité accablante : l’enfance est un territoire de domination.

Comme le rappelle le juge des enfants Édouard Durand, « Nous oublions les enfants que nous avons été » (France Inter, 26 février 2025). Cet oubli collectif permet aux violences de perdurer et à leur justification de s’inscrire dans l’histoire.

Depuis 15 siècles, et sur toute la surface du globe, l’expansion d’un christianisme dévoyé a contribué à cette vision de l’enfant comme un être à « corriger et dresser » (Olivier Maurel, De l’enfant protégé à l’enfant corrigé, 2022). Loin de la figure biblique de l’enfant innocent (« Si vous ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » – Matthieu 18:3), l’enfant est devenu un objet d’éducation violente, un être imparfait à façonner par la contrainte.

De la maltraitance à l’exclusion : une misopédie grandissante

Dans nos sociétés modernes, la violence envers les enfants ne se limite plus aux sévices physiques ou psychologiques : elle prend aussi la forme d’une exclusion croissante. Des voyages aux mariages, les espaces « no kids » se multiplient, témoignant d’une société qui perçoit les enfants comme une nuisance plutôt que comme des individus à part entière.

Comme la misogynie envers les femmes, il existe un mépris spécifique envers les enfants : la misopédie, une hostilité, voire une haine, à l’égard de l’enfance. Cette vision traverse toutes les classes sociales et tous les courants politiques.

Comparer un riche et puissant patron d’émission réactionnaire à un "enfant tyrannique" est devenu un lieu commun. Cela montre bien que, dans l’imaginaire collectif, l’enfant est perçu comme un être capricieux et despotique, nécessitant une main ferme. Cette idée traverse l’ensemble du spectre politique et social en France.

Une culture de l’autorité qui dépasse l’enfance

La perception de l’enfance comme un état d’immaturité justifiant une autorité absolue ne concerne pas seulement les enfants. Elle se reflète dans le rapport du pouvoir à son peuple. Comme le souligne le constitutionnaliste Bastien François :
« Nos élites voient le peuple comme un enfant : si on l’engueule, un bon coup, il va se calmer » (Télérama, 18 avril 2023).

Dans cette vision infantilisante, l’autorité ne se justifie pas, elle s’impose. Cette culture du rapport de force est au cœur du système éducatif, familial, mais aussi politique et social. Comme le résume Bernard Collot, ancien instituteur :
« Ce qu’on fait à l’enfance, ce qu’on impose à l’enfance, ce qu’on empêche à l’enfance est lié à tous les autres problèmes de l’organisation de notre société, à l’inhumanité de ce monde. » (2015).

Conclusion : repenser notre rapport à l’enfance

L’histoire de la maltraitance des enfants est celle d’une domination systémique qui perdure sous des formes variées. Aujourd’hui, entre exclusion croissante des enfants et culture de la répression, la misopédie s'étend et n'a jamais eu de cesse de s'étendre ni même d'essayer de se faire intégrer en tout un chacun, comme quelque chose de "normal". La France, notamment, cultive une vision de l’enfant comme un tyran potentiel, justifiant des méthodes d’autorité et de contrôle qui dépassent largement le cadre de l’éducation et s’appliquent à l’ensemble du corps social.

Sortir de cette logique implique de repenser profondément notre rapport à l’enfance. Non pas comme une période d’incomplétude à corriger, mais comme une phase essentielle de la vie, digne de respect et de considération.

Marie K.

PS: On ne peut pas se dire féministe tout en rejetant son propre enfant ou tout enfant qui ne correspondrait pas à l’image qu’il faudrait, selon soi, s’en faire. L’émancipation ne peut être à géométrie variable : combattre les oppressions implique aussi de remettre en question la domination adulte .

"Les enfants n'écoutent pas ce que l'on dit ni ce que l'on fait. Ils écoutent ce que nous sommes et cherchent en nous, la cohérence." Thomas d'Ansembourg

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