Quand le coaching de vie transforme le génocide en leçon de survie individuelle - Analyse critique
Le coaching de vie se présente comme un accompagnement visant à améliorer le bien-être, gérer les émotions et réguler le stress. Il mobilise diverses méthodes : régulation du nerf vague, EFT, techniques liées à la psychologie comportementale et à la résilience.
Dans certaines lectures, un coach de vie peut aborder des situations de violence extrême uniquement à travers l’état des corps et des systèmes nerveux, prétendant apporter une expertise « paramédicale » ou professionnelle.
Cet angle pourrait sembler pertinent : observer l’impact des violences sur les corps et comprendre comment la peur s’inscrit dans les récits et l’éducation.
Mais dissocier ces corps de l’Histoire, de la politique et des structures de domination, c’est du populisme à moindre frais. Cela donne l’illusion de comprendre un génocide tout en détournant le regard des responsabilités politiques et historiques.
Le trauma existe, mais le corps est politique
Certains aspects de l’approche sont justes : des peuples vivent depuis des décennies dans la peur, l’instabilité, le deuil ; un système nerveux peut rester bloqué en mode survie ; les traumas se transmettent de génération en génération, façonnant récits, éducation et identité.
Mais affirmer qu’on peut traiter ces corps hors contexte politique et historique revient à ignorer que le corps porte l’Histoire, les décisions collectives et les violences structurelles.
Le corps palestinien, israélien ou tout corps en situation de violence est traversé par ces dynamiques. Les opprimés ne peuvent pas dissocier leur survie de la colonisation, de l’occupation, des expulsions, de l’épuration ethnique et de la famine organisée.
L’illusion de la régulation individuelle
Certains angles de coaching suggèrent que l’on peut « s’en sortir » par soi-même, en travaillant sur son corps ou son système nerveux.
Mais comment croire que cela pourrait suffire quand on vit avec la faim au quotidien, sous les bombardements, la peur constante de se faire tirer dessus, et l’occupation qui nie chaque aspect de sa vie ?
Penser que la paix ou la survie dépend uniquement de la régulation individuelle, c’est faire abstraction de la réalité politique et historique qui structure chaque instant de la vie des opprimés.
La fausse neutralité
Reconnaître les traumas de plusieurs populations sans hiérarchie peut sembler bienveillant.
Mais dans les situations où l’un détient l’armée, le soutien international et le contrôle des territoires, et l’autre est confiné, bombardé, affamé, cette symétrie apparente masque une inégalité réelle.
La neutralité imposée à ce niveau sert souvent à dépolitiser la violence et à rendre invisibles les responsabilités de ceux qui détiennent le pouvoir, tout en laissant penser, en filigrane, que celui qui subit pourrait être encore un peu responsable de sa situation.
La responsabilité déplacée
Certains coachs proposent de créer des espaces de co-régulation ou de promouvoir une éducation à la sécurité pour les enfants des deux camps.
Dans des contextes de vie quotidienne, cela peut avoir du sens.
Mais face à un peuple occupé ou bombardé depuis des décennies, reporter la responsabilité de la paix sur les individus – et surtout sur les enfants – est irréaliste et moralement problématique.
Les oppresseurs, et non les opprimés, doivent se calmer, regarder les choses en face et cesser leur rapport problématique à la violence.
Conclusion
Le trauma existe et doit être reconnu.
Mais réduire des décennies de colonisation, d’expulsions, de bombardements , d'épuration ethnique et de famine organisée à un simple problème corporel ( de lien tête- corps ) , revient à faire porter sur les victimes la responsabilité non seulement de ce qui leur arrive mais aussi de leur propre survie.
C’est aux oppresseurs de se calmer, pas aux opprimés.
La paix ne naîtra que lorsque ceux qui détiennent le pouvoir cesseront de détruire l’existence d’un peuple, en abandonnant leurs réflexes toxiques et en adoptant des systèmes de régulation conformes aux principes de justice et aux lois humaines.