L'ONU a enfin fait connaitre jeudi dernier sa position concernant la plainte que Carles Puigdemont avait déposé en mars 2018, après la suspension de son mandat de député du Parlement de Catalogne (élections du 21 Décembre 2017). Cette révocation prononcée par le Tribunal Suprême espagnol avait, de fait, rendue impossible sa réélection comme Président de la Généralité de Catalogne.
Le Comité des Droits Humains de l'ONU (UN-CCPR) vient de condamner la révocation du Président Puigdemont, selon une décision rendue publique le 18 mai 2023 (Référence : CCPR/C/137/D/3165/2018- voir fichier joint), ou il est dit que l'État espagnol a violé l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il y rappelle que « tous les citoyens ont le droit de participer à la gestion des affaires politiques directement ou par l'intermédiaire de représentants librement élus", et il ajoute : que "c'est l'essence même d’un gouvernement démocratique ». En effet, au-delà de la situation spécifique de Carles Puigdemont, ce sont les droits civils des 948 233 catalans qui ont voté pour lui, et plus largement les droits du Parlement de Catalogne qui ont été bafoués.
C'est aussi la victoire de la vérité contre les manigances du système politico-juridique espagnol et des partis politiques hostiles au mouvement indépendantiste catalan. C’est tout particulièrement un coup porté à l’extravagante « Opéracion Cataluña » qui, depuis plus de cinq ans, vise en vain, à démontrer que les indépendantistes catalans auraient tenté un coup d’Etat (accusation portée lors du procès des dirigeants catalans), qu’ils auraient mené des opérations terroristes (lire cet article), voire auraient secrètement cherché le soutien armé de la Russie de Poutine (cas Volkhov). Thèses gratuites, montées de toute pièce, mais reprises régulièrement par la presse espagnole et en écho par les médias français.
Il est rassurant pour la démocratie que le texte de l’ONU rappelle à l’Etat espagnol quelques principes de base relatifs aux droits de réunion et d’association : « Le Comité rappelle que les droits garantis par l'article 25 du Pacte sont étroitement liés à la liberté d'expression, de réunion et d'association. Sans apprécier s'il y avait, à l'époque, des preuves suffisantes de l'existence de violence dans les termes dans lesquels l'organe d'enquête a interprété le droit pénal matériel lorsqu'il a statué sur l'accusation, le Comité note que l'auteur a exhorté les citoyens à rester strictement pacifiques (voir annexe I, par. 6.8) et rappelle qu’il existe une présomption en faveur de la tenue de rassemblements pacifiques" et que "les actes isolés de violence commis par certains participants ne doivent pas être imputés à d'autres, aux organisateurs ou à la réunion en tant que tels".
Et la suite ? Le comité onusien donne maintenant 180 jours à l'Espagne pour prendre les mesures nécessaires et rendre publique la condamnation. "L'État a l'obligation d'adopter toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des violations similaires ne soient commises à l'avenir". Mais on sait par avance que l'Etat espagnol ignorera cette résolution (cela fait partie de son héritage franquiste).
En Catalogne, en temps normal, il y aurait des centaines de milliers de catalans dans les rues pour fêter cette victoire. Cela n'est pas le cas car l'impact de la répression pèse lourd et paralyse les esprits. Et aussi parce que l'on est en pleine période électorale des municipales, une période de fortes tensions. Il faut rappeler ici que depuis le Référendum du 1-O 2017, la Catalogne subit une importante répression policière et juridique qui bride sa liberté d'expression, emprisonne ses dirigeants politiques (9 sont aujourd'hui graciés "sous réserve"), destitue ses représentants comme le Président Torra ou le député Pau Juvilla pour des raisons futiles comme l'affichage d'une pancarte, lance des ordres de détention à ses exilés et surveille des dizaines de militants et politiques indépendantistes via le Spyware Pegasus. L’association civile OMNIUM a recensé plus de 3700 personnes blessées, condamnées ou mises en examen, dans le cadre de manifestations pacifiques.
Comme démocrates, nous devons réagir indépendamment du contexte politique. Nous devons réagir maintenant parce que ce pourquoi nous militons depuis février 2018 trouve ici une réponse claire, quand bien même serait-elle partielle . C'est la première fois que l'ONU prend la défense des droits politiques des catalans en exil, et elle le fait avec force : "tout citoyen, tout politique a le droit démocratique inaliénable d'être représenté au sein de son parlement". On parle des droits du peuple catalan, mais aussi de nous tous, en tant que citoyens vivant dans une démocratie.
Notre collectif de solidarité avec le peuple catalan (ColSolCat31) va donc reprendre ses veillées mensuelles durant cette période de 180 jours, soit six mois, pour participer à la diffusion de cette résolution du CCPR et afin de suivre son évolution.

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