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Billet de blog 27 mai 2023

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DIMANCHE 28 MAI 2023, ELECTIONS MUNICIPALES EN CATALOGNE

Derniers appels au vote compte tenu du risque important d'abstention · Maragall rejoint l'accord de transpatrence d'Aragonès · Le PSC fait une démonstration de force avec Sánchez à Barcelone · Trias clôture le compte à rebours sans Turull ni Borràs.

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Le 28 mai 2023, les catalans sont appelés à renouveler les conseils municipaux et les maires de 947 communes.  Lors des dernières municipales en 2019, le taux de participation avait battu le record de 64,8% de votants (3 514 413 voix) alors que le taux d’abstention s’élevait à 35,19% (1 908 140 voix). Ce taux de participation record était en partie dû au fait du regroupement des élections municipales avec celles des européennes.

Le résultat de ces élections confirmait la forte poussée des indépendantistes avec la répartition suivante, sur 9076 sièges, des trois principales formations : 3114 élus d’ERC (Gauche républicaine), 2798 élus de Junts (Centre droit) et 334 élus pour la CUP (Gauche altermondialiste). Le PSC (Parti Socialiste Catalan) suivait avec 1308 élus (figure ci-dessous).

Illustration 1
Résultats des élections municipales 2019 en Catalogne (nombre de sièges) © GenCat

Et, il faut rappeler « l’anomalie » de Barcelone qui avait voté en majorité pour Ernest Maragall (ERC) mais, qui a vu un renouvellement du mandat d’Ada Colau (Els Communs, gauche alter mondialiste non indépendantiste) grâce au volte face et soutien de Manuel Valls représentant de l’ultra droite non indépendantistes à ces élections

Qu’en est -il des élections de 2023 à la veille du scrutin ? Laissons la parole à la journaliste Odei A.-Etxearte, qui a suivi la campagne pour le journal en ligne Vilaweb .

Point final d'une campagne où l'indépendance a été instrumentalisée Traduction de l’article d’Odei A.-Etxearte, Journal en ligne Vilaweb , publié le 26 Mai 2023 à 21h30 (source : https://www.vilaweb.cat/noticies/punt-i-final-duna-campanya-on-sha-instrumentalitzat-la-independencia/)

"Aujourd’hui marque le point final d'une campagne électorale anodine.

Pour la première fois depuis le début du processus d’Indépendance, l’ensemble des partis politiques est entrée dans une élection municipale dans laquelle leur pouvoir territorial est avant tout en jeu alors que le thème de l’Indépendance est devenu marginal. Ainsi, l'indépendance de la Catalogne n'est apparue dans les meetings que sous la forme de « reproches », afin de tenter d'effacer les frontières du vote avec l'opposant (notamment entre JxCat et ERC) et de le fidéliser lorsque les meetings nationaux se sont déplacés vers des communes dotées d’un électorat majoritairement favorable à un État catalan. Et, lorsqu'il l’objectif était d’élargir sa base électorale, il a été quasiment rayé de la campagne. C'est ce qu'a fait Xavier Trias pour Barcelone pour transcender le vote JxCat s'il veut être élu ; il a donc tenté de séduire l'électorat conservateur allergique à Carles Puigdemont et au processus d’indépendance. Et, c’est ce qu’a également fait Gabriel Rufián le candidat ERC à Santa Coloma de Gramenet et dans les municipalités à vote souverainiste minoritaire ; il a proposé les élections comme un plébiscite pour mettre fin au "cortijo" des socialistes (terme évoquant les riches propriétés du sud de l’Espagne) et faisant exclusivement appel au vote de gauche. Cela s'est également produit dans l'autre sens, lorsque l'espagnolisme a dû surmonter ses propres corsets : à Badalona, ​​Xavier García Albiol a insisté pour que les électeurs indépendantistes et de tous les partis votent pour lui en pensant, uniquement, en termes locaux.

Mais peut-être la principale preuve de changement se trouve-t-elle dans le PSC, qui aspire à gagner du terrain en enterrant définitivement la politique des blocs tant au niveau de son électorat potentiel que des pactes post-électoraux.  Qui se souvient encore de ce que le PSC a soutenu : application de la Loi martiale 155, de la répression politique qui se maintient toujours active et du droit à l'autodétermination ? "Cette campagne électorale a déjà un vainqueur : la politique utile", a déclaré Salvador Illa (PSC) à Tarragone . Pour la première fois depuis de nombreuses années, pour Illa, il n’a été question que des "problèmes concrets" qui affectent les citoyens. Une autre preuve en est que le président espagnol, Pedro Sánchez, a choisi Tarragone et Barcelone pour clôturer la campagne (…/…). Sánchez a besoin d’augmenter les gouvernements socialistes pour mieux se consolider à la Moncloa lors des prochaines élections de décembre. Si Illa a conçu ces élections comme une nouvelle étape de sa marche particulière vers le gouvernement de la Generalitat, pour Sánchez, les résultats du PSC seront le premier tour des prochaines élections espagnoles. (…/…) Et ils ont mis toute la viande sur le gril. Selon les données du PSC, Sánchez, Illa et Collboni ont rempli le pavillon Vall d'Hebron avec 4 000 personnes. L'événement le plus couru de cette campagne, une tentative de démonstration de force.

C'est la même chose pour la vice-présidente espagnole Yolanda Díaz avec le mouvement « Sumar ». Pour la troisième fois au cours des quinze derniers jours, Díaz a ramé avec et pour le parti « Els Communs » et Ada Colau. Il est tout de même significatif que jusqu'à aujourd'hui la direction de Podemos n'ait jamais voulu exprimer son soutien à la Mairesse de Barcelona. Mais comme Díaz voulait participer à l'événement final à Sant Martí, le secrétaire général de Podemos, Ione Belarra, a publié une simple vidéo de soutien sur les réseaux sociaux. Colau évolue en Catalogne dans le même cadre idéologique que celui de Díaz dans l'État espagnol : celui de la gauche contre la droite. Colau se présentant comme la rupture entre un gouvernement de Barcelone progressiste (le sien) et un gouvernement arriéré (les autres). 

C'est donc une des inconnues de dimanche : si l'électorat indépendantiste est fidèle aux partis qui s’en revendiquent, cela permettra-t-il de briser les blocs gauche/droite en pensant à des logiques de vote strictement locales ou s'abstiendra-t-il ? Les données sur le vote par correspondance indiquent une baisse significative de la participation. Cette fois, 72 470 personnes ont voté par correspondance, 20 277 de moins qu'il y a quatre ans. En 2019, la participation est montée à 64 %, un chiffre inhabituel dans les municipales, en raison de la coïncidence avec une élection européenne dans lesquelles Carles Puigdemont et Oriol Junqueras se sont affrontés dans les urnes.

La désaffection face à l'absence de stratégie commune des indépendantistes et à la « normalisation » de la gestion politique dans un contexte incertain peut se traduire par une abstention active d'une partie de l'électorat. Il reste à voir si l’abstention (ou le vote blanc) est significative ou non en tant qu'expression de punition pour un électorat mécontent. On ne sait pas non plus si, il y a quatre ans, la coïncidence des urnes a poussé certains électeurs à distribuer des bulletins de vote pour faire jouer les deux partis avec lesquels ils se sentaient représentés, et donc s'il peut y avoir maintenant des variations dues au changement de circonscription électorale. Ce serait logique ! La question taraude au siège de Junts : y a-t-il eu des gens qui ont voté pour Puigdemont aux élections européennes et ERC aux élections municipales ? Et ces gens, que vont-ils voter maintenant ?

ERC a expliqué aujourd'hui que ces jours-ci, ils avaient fait du porte-à-porte dans 320 municipalités avec 3 200 bénévoles. Ils disent avoir frappé à un demi-million de portes dans toute la Catalogne pour expliquer leur projet. Cela avait bien fonctionné pour eux en 2019 dans des municipalités telles que Sallent, Amposta, Salt ou Vallromanes et ils ont maintenant étendu l’approche à d'autres municipalités avec leurs candidats et les dirigeants nationaux du parti. Les républicains aspirent à répéter la victoire d'il y a quatre ans dans les votes et les conseillers. Les résultats seront un examen indirect de la gestion de Pere Aragonès à la tête du gouvernement de la Generalitat, ainsi que de son projet d’Accord de transparence. Le candidat Esquerra à Barcelone, Ernest Maragall, s'est en effet engagé à accompagner Aragonès lorsqu'il apportera les conclusions de l'Accord de transparence au gouvernement espagnol.

Dans le contexte actuel, XavierTrias a évité d'inscrire son projet pour Barcelone dans la stratégie nationale de son parti, Junts, alors qu’Ernest Maragall a fait le contraire avec le vote de Barcelone pour l'ERC. La raison est claire : « La mairie n'est pas une institution de complément, de remplacement ou d'addition, mais c'est la deuxième institution du pays », a-t-il dit.

JUNTS, teste également si le départ du gouvernement leur a profité électoralement ou non. Mais, surtout, le résultat à Barcelone sera pertinent. Une hypothétique victoire de  Xavier Trias pourrait donner des ailes au secteur institutionnel du parti, notamment au courant politique le plus liée à l'ancienne Convergència ou inclinée vers le centre-droit. La coexistence de différents courants du parti peut aussi être affectée par des pactes post-électoraux qui attisent le débat interne, surtout dans les bases les plus indépendantistes si le partenaire d'entente est le PSC. Que Junts soit un parti plus complexe qu'il n'y paraît à première vue est démontré par le fait que son secrétaire général, Jordi Turull (Secrétaire général de Junts), a choisi Amer, la ville de Carles Puigdemont, pour clôturer la campagne électorale,  la présidente du parti, Laura Borràs, elle, s’est déplacée dans l'Ebre, Calafell et Cerdanyola, tandis que Xavier Trias a lancé le dernier appel au vote depuis les Jardinets de Gràcia.

La CUP a clôturé son compte à rebours à Berga, son principal bastion, avec la question de savoir s'il sera à nouveau représenté au conseil municipal de Barcelone.

Enfin Inés Arrimadas  (Ciudadanos) est apparue le dernier jour, peut-être nostalgique des années de pointe du processus d’Indépendance. L'ancien leader de Ciutadans s'est adressée aux électeurs qui en 2017 lui ont fait gagner les élections, demandant que le parti gagne de la force dans les mairies. Mais ils sont plus susceptibles d'avoir une extinction généralisée. La politique de Sanchez a surtout profité au PSC, qui s'est montré plus utile pour l'électorat partagé en ces temps de (dé)normalité, et elle pourrait aussi profiter au PP, qui aspire à regagner des appuis. En revanche, ce sont peut-être les premières élections où Vox (Extrême droite espagnole), jusqu’ici absent en Catalogne, pourrait percer dans les mairies, avec le danger qu'il le fasse, dans les communes aux plus forts taux d’immigration, avec des discours xénophobes qui menacent la coexistence dans les quartiers.

Aujourd’hui, ce sont donc les derniers appels pour voter. Mais ce n'est pas la fin. Les élections sont toujours un début : le lendemain de l'élection, tout (re)commence ".

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