C'est ici que vous trouverez le débat qui dure une heure.
J. P. Mercier fait valoir son approche "marxiste", dit-il : ce sont les travailleurs de la production qui sont au centre du système et le font fonctionner, et ce sont eux qui constituent la force majeure d'une potentielle révolution pour abattre le capitalisme et la classe dominante (il évoque les patrons et la bourgeoisie "en chair et en os"). Il souligne que le mouvement Nuit debout, s'il est important, n'est pas pour autant au centre névralgique du soulèvement nécessaire, il manifeste l'importance des "objectifs de lutte" concrets (ex : interdiction des licenciements, ouverture des livres de compte des entreprises) pour marquer des jalons dans le combat. F. Lordon, de son côté, défend l'idée que ces "objectifs", même s'ils étaient atteints, ne changeraient rien au capitalisme financiarisé tel qu'il existe désormais : il évoque la nécessité de travailler à faire changer "les structures", dit-il, d'où l'idée que les noeuds sont du côté du FMI, de la Banque européenne, de l'euro, de l'OMC etc....
L'un défend l'idée de construire la lutte réelle sur les lieux de travail par ces "objectifs de lutte", l'autre, l'idée que l'essentiel du système oppressif est ce qui fait fonctionner profondément le capitalisme financier, ces organismes supra-nationaux qui enserrent notre monde.
Au bout du compte, qu'est-ce que ce débat met au jour ? l'approche de l'Intello et de l'Ouvrier ? l'impossible rencontre entre les deux ? l'éternelle division des deux approches ? Ce fossé fort détaillé dans ce débat, et ainsi révélé, n'est-il pas le trou dans lequel nous pataugeons depuis des lustres ? Sans compter que ce débat omet un autre aspect : la "culture" tramée différemment dans l'histoire de chaque société où émergent des luttes - mais ce n'est là qu'une suggestion de réflexion, et ce débat d'une heure ne pouvait tout aborder ; cependant, il me semble que cet aspect-là est très souvent oublié....
L'histoire ne demandera pas son avis à nos deux débatteurs, je veux dire par là qu'aucun des deux ne "sait" ce qui déterminera une possible émulation des luttes ; l'une et l'autre analyse sont bonnes à prendre, à condition de mesurer que le réel est toujours encore ailleurs, ce que nos deux débatteurs oublient un peu vite, tant ils sont attachés à leur vision des choses.