Plusieurs d'entre vous ont suivi et soutenu la lutte difficile des anciens salariés de Generali Proximité Assurances, leur longue grève de la faim. Voici un entretien qui vous donnera de leurs nouvelles; vous pourrez aussi le trouver sur le blog de Vincent Prudor et Thierry Ternisien.
Generali : le point sur la médiation – interview à 3 voix -
Après une intense et bien souvent angoissante actualité durant de longues semaines au cours desquelles la grève de la faim de 16 des licenciés se heurtait à l’intransigeance coupable de leur ancien employeur, le conflit des « Anciens de GPA/Generali » semble entrer depuis un mois dans une phase d’accalmie trompeuse.
Conséquence de l’absolue confidentialité liée à la médiation judiciaire enfin engagée, ce calme apparent apporte aussi son lot d’inquiétudes. Comment se déroule la médiation ? Va-t-elle aboutir ? Les licenciés vont-ils enfin être justement indemnisés des préjudices qu’ils ont subis ? Vont-ils pouvoir reprendre le cours de leur vie, tourner cette page douloureuse ?
Au-delà des témoignages des licenciés parus ces derniers jours, il nous a semblé important de questionner les licenciés sur cette nouvelle étape de leur combat et prendre de leurs nouvelles après cette éprouvante grève de la faim.
Un des licenciés, ancien gréviste de la faim, a bien voulu répondre à nos questions dans cet entretien à 3 voix. S’exprimant au nom du collectif, son nom importe peu.
Marielle Billy : Après une si longue grève de la faim, la première idée qui me vient à l’esprit est de m’enquérir de votre santé : alors, comment allez-vous ?
‘’Les Anciens de GPA’’ : Entreprendre une grève de la faim est une décision difficile à prendre tant elle implique de conséquences personnelles mais surtout pour notre famille et nos amis. Mais face au blocage cynique de la direction de Generali et à l’incapacité de la justice prud’homale d’étudier sérieusement les faits que nous lui avions présentés, il nous a semblé qu’elle était la moins mauvaise solution pour faire entendre notre voix.
Il y a un mois, lorsque la médiation judiciaire fut acceptée par Generali après moult tergiversations, nous avons fait le choix d’opter pour une ‘’trêve de la faim’’. Concernant les conséquences de la grève sur chacun d’entre nous, il est difficile de se prononcer. Au niveau physique, hormis une grande fatigue générale qui perdure, il ne semble pas, à priori, que nous ayons subi des séquelles, mais nous ne nous en apercevrons peut-être que plus tard. Au niveau psychique, par contre, il est clair que nous connaissons tous, à des degrés divers, une hyper-sensibilité qui parfois est source d’angoisses.
Thierry Ternisien : Votre action a rencontré un large écho. Pensez-vous qu’elle soit un symbole d’une prise de conscience citoyenne, d’une exigence d’éthique dans les relations de travail, et plus largement dans l’ensemble de la sphère publique, plus affirmée aujourd’hui qu’hier ?
‘’Les Anciens de GPA’’ : Le mouvement de solidarité qui s’est exprimé autour de nous a dépassé largement ce que nous imaginions dans nos rêves les plus fous. Près de 100 personnalités politiques, de tous bords, de tous niveaux de responsabilités, des Conseils Municipaux entiers, nous ont apporté leur soutien actif en écrivant au Ministre du Travail et à Claude Tendil, Président de Generali. Il en est de même pour de nombreux clients de Generali, des salariés et des agents-généraux du groupe (même s’ils sont obligés de le faire avec discrétion) mais aussi par de simples citoyens comme vous qui, a priori, n’avaient pas de raisons pour se sentir personnellement concernés.
Marielle Billy : Si, justement et je parle de mon cas personnel. Si je suis assurée comme tout le monde, je n’ai aucun lien avec la Generali ou avec l’un d’entre vous, mais je me suis sentie totalement concernée par votre combat, au nom même de cette éthique de la responsabilité bafouée par votre ancien employeur, un comble pour un assureur !
Thierry Ternisien : Il me semble que cette exigence d’éthique dépasse largement le cadre de votre combat, qu’une prise de conscience apparaît pour refuser un mode de fonctionnement qui consiste à broyer les individus pour répondre aux exigences toujours plus délirantes de ‘’la main invisible du marché ‘’
Votre combat est l’expression de ce rejet de l’injustice, du cynisme, de l’irresponsabilité d’une classe dirigeante qui se croit tout permis au prétexte qu’elle détient le pouvoir. Mais, pour revenir à votre cas particulier, ne craignez-vous pas que cette mobilisation à vos côtés s’étiole du simple fait d’un manque d’informations liée à la confidentialité de la médiation ?
‘’Les Anciens de GPA’’ : Non, au contraire. Nous sommes sollicités chaque jour, par des élus, des clients de Generali, ou d’anciens collègues qui réagissent aux témoignages que nous publions. Ils nous demandent où nous en sommes et s’il faut vraiment faire confiance à Generali. Les clients de Generali sont par exemple très intéressés par le dénouement de notre conflit car ils sont sensibles à l’éthique de leur assureur mais aussi, ils se demandent s’ils pourraient toujours lui faire confiance pour le règlement de leurs sinistres si nous n’arrivions pas à un accord.
Franchement, tout le monde reste très mobilisé et, au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier car vous ne pouvez pas imaginer comment votre soutien nous aide chaque jour.
Thierry Ternisien : Ma question va paraître saugrenue en cette période d’apaisement mais vu le temps qu’ils ont mis pour accepter ne serait-ce que le principe de la médiation, elle me taraude l’esprit : pouvons-nous faire confiance à Generali ?
Marielle Billy : C’est aussi une question que je me pose car vous avez arraché cette médiation de haute lutte.
‘’Les Anciens de GPA’’ : Effectivement, c’est grâce à votre mobilisation à tous, grâce à une longue grève de la faim que la direction de Generali a enfin accepté la mise en œuvre de la médiation judiciaire après que le Ministère du Travail l’a recommandée. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas à l’initiative du dialogue en cours et que ses tergiversations lui ont porté préjudice auprès de l’opinion publique.
Alors : confiance ou pas confiance ? Vis-à-vis de Generali, nous en sommes actuellement à la présomption de leur bonne foi et nous restons très vigilants sur les suites qu’ils veulent donner à la médiation. Nous abordons cette étape en toute transparence, loyalement. Il s’agit dans notre esprit d’une main tendue, une ‘’paix des braves ‘’ en quelque sorte, et il serait inadmissible que nos interlocuteurs se fourvoient dans de mesquins calculs.
Maitres Jean-Louis Magnier et Alain Sutra, les deux médiateurs, sont des hommes d’expérience et ils ont toute notre confiance. Nous pensons qu’ils ont bien compris les causes et les enjeux de la médiation et qu’ils sauront les faire partager à la direction de Generali.
Marielle Billy : Qu’en pensent vos collègues ? Ils n’ont pas non plus beaucoup d’informations.
‘’Les Anciens de GPA’’ : Tout le monde connaît le déroulement de la procédure à savoir des réunions entre les médiateurs et les avocats des deux parties, des rencontres entre les médiateurs et chacune des parties, des propositions sur les critères et le montant de l’indemnisation qui doivent être acceptées par les deux parties. Ceci fait, une proposition individuelle sera apportée à chaque licencié qui restera libre de l’accepter ou pas. Voici le cadre général sachant que l’ensemble de la médiation se fait sous le contrôle de Madame la Présidente de la Cour d’Appel, mais à part cela, nous n’avons pas beaucoup d’autres informations précises depuis le 9 mai, date du démarrage effectif de la médiation.
Une certaine impatience commence donc à poindre, avec le sentiment réel qu’il n’y a toujours rien de concret au bout de quatre semaines, la crainte que Generali ne chercherait en fin de compte qu’à nous endormir, qu’à faire des propositions qu’elles savent inacceptables pour se dédouaner tout en fuyant une fois de plus ses responsabilités.
Thierry Ternisien : C’est une possibilité que vous n’excluez pas ?
‘’Les Anciens de GPA’’ : Il ne faut jamais rien exclure. Mais, si la médiation devait aboutir à un échec, il est clair que seule la direction de Generali en porterait la responsabilité. Je m’explique.
En premier lieu, le simple fait d’adhérer à la médiation oblige par principe chaque partie à dépasser le débat juridique pour œuvrer à la résolution du conflit, et en acceptant ce principe, la direction de Generali admet de fait sa responsabilité ne serait-ce que morale dans les préjudices consécutifs à notre licenciement.
Il serait également mal venu qu’elle invoque un problème financier car si elle a été capable d’offrir un parachute doré de plus de 20 millions d’euros à M. Geronzi évincé au bout de 11 mois de son poste de Président de Generali SPA, elle est parfaitement capable d’indemniser correctement 86 salariés licenciés qui, durant 1032 années cumulées, ont œuvré à l’essor et la bonne santé financière de Generali.
Marielle Billy : C’est exact. Ce parachute doré nous a tous révolté. J’imagine que de votre côté, vous faîtes des propositions précises.
‘’Les Anciens de GPA’’ : En effet nous avons fait de réels efforts pour que nos propositions aillent dans le sens d’un accord équilibré et respectueux des deux parties. Maître Denis Delcourt-Poudenx, notre avocat, connait parfaitement le dossier tant sur le plan juridique que sur les conséquences du licenciement pour chacun d’entre nous. Il a toute notre confiance et nous lui avons donné des instructions précises et particulièrement raisonnables. Nous savons qu’il s’investi totalement pour que la médiation réussisse et personne ne comprendrait que la direction de Generali n’adopte pas la même attitude.
Thierry Ternisien : Dans un tel cas, Generali jouerait un jeu dangereux pour son image… et son activité commerciale.
‘’Les Anciens de GPA’’ : Il va de soi que Generali prendrait des risques très importants si elle était tentée de nous flouer et de parier sur le pourrissement du conflit. Elle a consenti en effet de très importants investissements pour communiquer sur des valeurs de responsabilité sociale et environnementale qu’elle souhaite associer à son nom. Elle sait parfaitement que nous n’hésiterions pas à relancer notre mouvement avec encore plus de force que les mois derniers et que nous serions très largement soutenus notamment par les réseaux que nous avons conservés auprès de nos anciens clients.
Elle aurait donc tout à perdre en termes d’image et de crédibilité et je pense que les dirigeants de l’entreprise en ont parfaitement conscience en dehors des sentiments personnels que certains d’entre eux mettent malheureusement dans cette affaire. Nous comptons sur leur sens des réalités.
Marielle Billy : J’espère de tout cœur qu’une solution sera trouvée pour que vous puissiez enfin tourner la page de cette douloureuse histoire mais dans le cas contraire, vous savez que vous pourrez compter sur moi.
Thierry Ternisien : Sur moi également, et je partage votre avis, les dirigeants de Generali auraient tout à perdre de l’échec de la médiation.
‘’Les Anciens de GPA’’ : Merci à tous les deux et au-delà, à toutes les personnes connues ou inconnues qui nous apportent chaque jour leur soutien.
Pour en savoir plus :
Les Blogs sur Médiapart :
Marielle Billy : http://blogs.mediapart.fr/blog/marielle-billy
Thierry Ternisien : http://blogs.mediapart.fr/blog/Thierry-Ternisien
Vincent Prudor : http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-prudor
Le Blog des licenciés de GPA/Generali : http://lesanciensdegpa.skyrock.com
PS : je présente mes excuses à Vincent Prudor, Thierry Ternisien et aux lecteurs pour mes erreurs de copié-collé de ce matin !!! voici mon erreur corrigée.