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Billet de blog 9 janvier 2010

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Jacques Roubaud : Obstination de la poésie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Et voilà comment le hasard jette les dés : depuis plus de deux heures j'écris un compte rendu de l'article de Jacques Roubaud paru dans le Monde Diplomatique de janvier 2010, et une manoeuvre inopinée a tout effacé... Pas le courage de recommencer, et puis acceptation de ce qui disparaît.

Je me contenterai de dire que j'ai voulu saluer cet acte original et rarissime : un long papier sur la poésie dans la presse. Et puis surtout, le contenu passionnant des ces lignes tout aussi malicieuses que profondes - quasi-inexistence économique de la poésie et obstination patiente de ce travail de la langue -

Roubaud conclut par une forme de déclinaison de son point de vue sur la poésie : "La poésie a lieu dans une langue, se fait avec des mots : sans mots, pas de poésie ; un poème doit être un objet artistique de langue à quatre dimensions, c'est à dire être composé à la fois pour une page, pour une voix, pour une oreille, et pour une vision intérieure. La poésie doit se lire et dire."

Et je déposerai ici les poèmes de Jacques Roubaud qui devaient conclure mon billet, extraits de Quelque chose de noir, (Gallimard, 1986) ; ce recueil fut composé après la mort de sa femme, et l'on y retrouve la preuve que la poésie est le travail de la mort (sans aucun pathos afférent) par du vif, oeuvre singulière et solitaire qui puise au langage la force de voyager vers l'autre.

Extrait 1. Pexa et hirsuta

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Dante appelle hirsuta ces cailloux pris dans les vocables et qui arrêtent le cours du vers au long de son écoulement.

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Comme "les consonnes multiples, les silences, les exclamations".

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Peignés, dit-il, c'est le contraire

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Ta chevelure basse qui n'interrompait pas ton ventre,

"peignée"

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Hirsute la fragmentation de tes prénoms,

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Je les disais toujours ensemble, l'un heurtant l'autre :

Alix Cleo.

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Où le signe voyelle manquant était celui de : 'nue'.

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Ce qu'il y avait d'hirsute dans ta nudité n'était pas ta chevelure basse très noire autour de l'humide où la langue passait en t'écoulant

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Pas ta nudité mais ton nom. Au milieu de jouir de toi le dire.

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Extrait 2. Méditation des sens

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On y descend par une spirale, une damnation.

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De la vue, à la voix. de la voix, au souffle, parfum, odeurs.

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De l'odeur au goût : mordre, enfoncer, salives.

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Fonds du puits, intérieur ultime est le toucher.

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Le toucher absolu du corps. la jouissance et la décomposition.

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Le toucher des mains, de la chair, la coexistence en un même lieu mental, en un même corps des corps, le dire dans la bouche, le goût, le souffle, l'entrelacement qui respire pénètre.

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Pour la méditation des cinq sens, là où était la recollection de mortalité

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Si la distance évanouissante des deux corps, brûlant de leur infiniment présente brûlure : paradis veillant sur son envers.

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Toutes stations que maintenant je descends en enfer, par le souvenir.

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