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Billet de blog 10 novembre 2012

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Amis des chemins : (re)venir à Jacques Dupin

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A la suite de Mitsou Daudeville, en revenir au poète Jacques Dupin mort le 27  octobre à Paris  :

http://blogs.mediapart.fr/blog/mitsou-daudeville/081112/quelques-mots-sur-jacques-dupin?onglet=commentaires#comment-2765204

Francis Bacon - Jacques Dupin -1990

Le poète, c’est-à-dire personne, devant le mur qui nous arrête et qu’il traverse, continue d’écrire sur le sable et la poussière... Il maintient l’espace ouvert. (Jacques Dupin)

Revenir en se glissant entre la mort et soi, entre la terre et la pluie, entre vous et moi.

Tant de silence ! tant de bruit !

Ce dont je parle, c'est de l'expérience de l'écriture, expérience qui doit, pour moi, commencer avec le désoeuvrement. (Jacques Dupin)

Laisser venir à la langue la chaise posée là, la pierre, l'air humide, les plaies et les regards. Laisser travailler le monde dans la langue qui nous tient.

Si la tristesse pèse, il restera cependant une place, discrète, pour Jacques Dupin, pour chaque homme qui tenaille le réel sans haine et sans renoncement. Une place pour chaque pas, sous la giffle des averses. Place clignotante de locataire du réel, de marcheur.

              à travers le crible, les tamis, le détour du temps suspendu – le temps, le suspens – passe une solution, l’une, l’autre, la plusieurs, la désespérée – qui coule dans le cloaque où patauge le sanglier, ou dans l’eau verte qui descend au ravin – je travaille les sources, les boues, les eaux de roche, les corps monstrueux imbibés, les feuilles mouillées et pourries, les têtards, et l’allégorie…

           précipitation d’un fluide dans le concassement du jour, dans la nuit de la pensée, sur la terre, fuyante et blessée, qui se détache et me tire à sa réverbération de clartés, à sa destruction par le rire – mien – ou les larmes – tiennes – qui m’atteignent plus bas que toi….

 Jacques Dupin, M’introduire dans ton histoire, P.O.L, 2007

En bon marcheur, tu croises d'autres chemineaux, leurs histoires de boue et de sanglier.

Paul Rebeyrolle - Le sanglier -

Grand vent

 Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.

 Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963

Paul Rebeyrolle - Aliénation totale (détail) -

Expérience sans mesure, excédante, inexpiable, la poésie ne comble pas mais au contraire approfondit toujours davantage le manque et le tourment qui la suscitent. Et ce n’est pas pour qu’elle triomphe mais pour qu’elle s’abîme avec lui, avant de consommer un divorce fécond, que le poète marche à sa perte entière, d’un pied sûr. Sa chute, il n’a pas le pouvoir de se l’approprier, aucun droit de la revendiquer et d’en tirer bénéfice. Ce n’est qu’accident de route, à chaque répétition s’aggravant. Le poète n’est pas un homme moins minuscule, moins indigent et moins absurde que les autres hommes. Mais sa violence, sa faiblesse et son incohérence ont pouvoir de s’inverser dans l’opération poétique et, par un retournement fondamental, qui le consume sans le grandir, de renouveler le pacte fragile qui maintient l’homme ouvert dans sa division, et lui rend le monde habitable.

 Jacques Dupin, L’Embrasure, dans L’Embrasure, précédé de Gravir, Gallimard, 1971

Jacques Dupin fut le compagnon de route de nombreux peintres, dont Rebeyrolle et Riopelle. Mais aussi : Tapies,  Chillida,  Adami, Capdeville, Joan Mitchell, Francis Bacon. Henri Michaux.....Collaboration amicale avec Giacometti et Miro ....Il fut l'ami de René Char, d'Yves Bonnefoy ...

Jean Paul Riopelle

Jean Paul Riopelle - Poussière de soleil - 1954

Le métier sert à se détruire pour que ce qui doit paraître paraisse. C'est une absence de soi dans une tension de l'esprit. On n'ouvre pas les vannes - on dirige un flux - et on multiplie les obstacles pour que ce flux se densifie, prenne corps. (Jacques Dupin)

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