Chers amis journalistes de Médiapart, le journal, par vos plumes, nous aide bien souvent à nous repérer dans la situation complexe et alarmante de notre pays, car comprendre et faire des liens sont des outils de la démocratie, manière de donner du sens à nos désirs d'échapper aux sirènes hurlantes de T.I.N.A. (There is no alternative). Ensuite, reste notre responsabilité collective, celle de l'action.
Mais voilà qu'aux marches de l'Europe, sur la terre d'Ukraine, la violence armée a pris le pas sur l'esprit de négociation, les populations se retrouvent une fois de plus le jouet de forces qui leur échappent. Chaque jour en France, depuis le début 2014, nous sommes, tantôt abreuvés d'une information très "main-stream" (disons, Otanesque), tantôt repliés dans une ignorance gravement indifférente.
Nous ne sommes pas seuls au monde, le malheur des peuples est aussi le nôtre. Si je vivais recluse dans une barraque effondrée du Donbass, si j'étais la mère affligée d'un des voyageurs du vol de la Malaysia Airlines abattu dans le ciel ukrainien, si ..., je serais doublement désepérée de tant d'isolement, de silence, d'information si mal équilibrée.
Ne soyons pas naïfs, chassons dès que possible les oeillères qui menacent : notre journal Médiapart peut nous aider.
Ainsi, je formule le vif souhait que vous initiiez un vrai travail d'investigation sur la situation ukrainienne, car celle-ci est aussi notre affaire.
Pour étayer ma demande, je ne vous donnerai qu'un exemple très récent : depuis hier mercredi 12 novembre, j'entends ce type d'information sur nos radios publiques : l’ONU dit redouter «le retour à une guerre totale», l’Ukraine dit se préparer au combat en réaction à une concentration de troupes russes dans l’Est séparatiste prorusse confirmée par l’OTAN et l'OSCE.
En revanche, pas un mot sur le contenu du discours de Gorbatchev prononcé le 9 novembre à Berlin, où il met en garde contre une nouvelle guerre froide et rappelle les promesses faites par les pays occidentaux il y a 25 ans, tout en afirmant son soutien à Vladimir Poutine.
Je réclame une information pluraliste, tout sauf la voix de son maître ; et si les seules informations dont je dispose sont estampillées OTAN et OSCE, je me dis qu'il y a un loup.
Je remercie l'équipe par avance, si le journal parvient dégager des moyens pour faire ce travail, avant que nous soyons pris dans la mélasse sans nous en rendre compte.
Je remercie aussi les commentateurs potentiels de ne pas prendre ce billet pour une bataille de tranchée virtuelle.
Longue vie aux paroles libres !