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Billet de blog 22 avril 2009

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Quelle injustice et quel délice ! Parole à André Frénaud.

On connaît des tas de gens aux propos inutiles, on se colmate les ouïes de milliers de mots inutiles - les siens d'abord, puis ceux de tous ces autres qui s'agitent comme tétards dans la mare, avec moi, tétard distrait -

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On connaît des tas de gens aux propos inutiles, on se colmate les ouïes de milliers de mots inutiles - les siens d'abord, puis ceux de tous ces autres qui s'agitent comme tétards dans la mare, avec moi, tétard distrait -

On se calfeutre les badigoinces de phrases inaptes à dire quelque chose, afin de ne surtout pas parler, afin de discourir sans cesse, de se dopper à la syntaxe et de faire bonne mine - Quelle mine tu as ce matin ! T'as le discours voluptueux et la lippe luisante ! -

On se cache sous l'évidence, on (que ne dis-je "je" ! pudeur ou faux-dercherie ?), on se blinde le corgnolon pour ne pas voir qu'on crève, on sourit de traviole et on ne rit jamais assez. On prend les phrases pour ses porte-manteaux - et je t'accroche une pelure, et une autre, et que je te surcharge jusqu'à disparition -

Alerte aux vivants ! Faut crounir le trop et décomplexer le pas-assez !

Faut faire la part belle aux poètes ! à ceux que tout tient hors de nous.

Faut dégauchir ceusses qui turbinent la langue - la tienne, la mienne - et la sauvent de la cata (type d'apoplexie contemporaine qui te rétame le sens en te faisant plaisir - k'tu crois !).

Faut faire du barouf, de la viorne jusqu'à plus soif, pour faire entendre leur voix, et gambiller sur leur trace, cervelle en l'air, corps par dessus les moulins et langue dégoupillée.

Alors ce jour, je te salue André Frénaud toi qui dis en 1967 :

.

MACHINE INUTILE

.

une machine à faire du bruit,

qui s'ébroue et supplie et proclame,

pas seulement pour vous faire taire,

peut être pas pour m'amuser,

construite en mots dépaysés

pour se décolorer l'un par l'autre,

pour entrer dans l'épais du grain,

pour y trouer tous les grains,

pour y passer par les trous

pour y pomper l'eau imprenable

dont le courant gronde sans bruit,

machine à capter le silence

pour vous en mettre dans l'oreille

à grands coups d'ailes inutiles.

.

extrait de Il n'y a pas de paradis (Poésie Gallimard)

.

Et prenez en de la graine, sinon du grain (çui de Frénaud), mes frérots et mes soeurettes, que leur folie nous catafiole et nous préserve de l'ennui !

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