Gau et Che se rencontrent tous les mardis, ils boivent soit du thé soit du thé ; tout le reste les énerve ou les grise. Et ça, ils ne le veulent pas. Veulent pas perdre la tête.
"Tu perds la tête, tu perds le chef" se disent-ils, riant chaque fois, comblés. Sont tout fiérots ; car Gau et Che se trouvent irrésisitibles. Gau, le mardi, se met sur son trente et un - petit pull rose à pois verts - et Che n'en revient pas de leurs goûts si communs : lui c'est une chemise verte à pois roses qu'il revêt les jours de fête.
Ils sont heureux, un bout de PIB en poche ; tellement heureux que rien ne dépasse leurs petits besoins.
"Si on garde le chef, on garde son fief" dit l'un, et les voilà tout ébaudis de cette union des âmes et des coeurs. Ah ! c'est un spectacle bien émouvant de les voir baguenauder, lançant les mots, clignant des yeux.
"Le couvre-chef, pour le sous-chef" réplique l'autre derechef. On ne les arrête pas, faut dire que personne ne les écoute ; s'en rendent pas compte Gau et Che, z'ont trop de bulles dans le thé et trop de thé dans'l'gosier. Alors se parlent, se parlent, tout sourire, le minois tout rosi. Et continuent à coup de "Tout bénef" - et leur rire dégouline - "l'PCF, tu le greffes ?". Sont pliés, réduits à peu, comme deux petits boutons de rose.
Ces deux-là ont fort à faire - refaire le tour du problème, c'est long. Alors le mardi, se disent : "A mardi". Ils ne retiennent pas leur petit frisson, ils se serrent, se serrent, et chaque fois c'est le même enthousiasme : ah ! ne faire qu'un !