C'est en lisant l'article de Patrice Beray en hommage au poète argentin Juan Gelman, disparu en janvier, que ces mots sont venus.
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/220314/gelman-le-grand-disparu-de-la-poesie-argentine
Je rajouterai ce texte de Juan Gelman, pour qu'encore un instant, cette voix habite nos espaces.
Savoir
Le poème nage dans un vent et brille.
Il ignore qui il est jusqu’à
ce qu’on l’entraîne ici, où
certainement il mourra
à l’intempérie des fauves.
J’aimerais comprendre les fauves
pour comprendre le fauve qui est en moi.
La réalité fait gémir avec des halètements de bête.
Quelle grâce son souffle y a-t-il gagnée ?
Aucune si ce n’est la perte.
Sous la douceur crépite le doute.
Dans ces mains.
"J'aimerais comprendre ..." ; "Sous la douceur crépite le doute".
C'est de crépitement, de doute, et d'esprit du conditionnel ("j'aimerais") que je manque, dans le précipité qui me sert de monde. La voix du poète demeure, petite luciole, elle m'assure un peu d'espace à vivre.
Tout va de grognements en raideurs, de fermetures en certitudes closes.
Lorsque les chiffres et les discours ont pris le pas sur la parole et ses questions, lorsque tout s'en vient à nous comme dureté brandie, oubli de notre faiblesse, lorsque le bruit épuise et nous transforme en foule agitée, la poésie peut encore nous murmurer ceci : dans l'inconnu, réside encore la possibilité de dire oui à un appel ténu, ce faible oui sera notre force.