S'exprimer et dissiper les malentendus ! v'là l'programme ! s'écouter, échanger, fairer preuve de bienveillence ! v'là l'programme !
Comme c'est formidable ! comme c'est heureux et sympathique ! Je parle et tu m'écoutes ; lorsque j'ai fini, tu me réponds et je me sens tellement comprise ; j'écris et tu me lis, tu lis vraiment ce que j'ai voulu dire, comme j'ai d'la chance !
Et s'il y a un caillou, un petit point dur sous la semelle, nous nous acharnons - faudra bien l'réduire !
Un malentendu ? je le lève comme on lève un lièvre ; et le voilà qui fuit, penaud, et me laisse avec ce sentiment délicieux de la clarté et de la mutuelle entente.
Nous dialoguons depuis des heures, voici que les phrases volent dans tous les sens ; et voilà que je tiens compte de tout ce qui s'est dit, que mes compagnons font de même - nous progressons vers la lumière de la compréhension partagée.
Mais tout ne s'arrête pas là : moi-même je me comprends si bien, je sais ce que je dis, je suis tellement consciente de mes agissements et de mes pensées. En bref, je pilote. Pas d'inquiétude, je mène l'affaire et ne me laisse pas désarçonner par ces petites humeurs qui traversent mon ciel, je reste calme et j'analyse - je dis "moi-je", "je pense que", et je suis bien convaincue que je dis bien ce que je dis.
Alors c'est formidable ! Un mot est un mot ; son sens, j'en fais mon affaire.
Et toi, tu es presque convaincu de mal t'exprimer ! tu dis que tu dois faire un effort, et les autres si gentils t'aident à formuler ton idée, ils te font la place, patientent et te sourient ; comme tout le monde compréhensif ! Car enfin, s'exprimer est une condition du bonheur, de ce bien être social qui nous occupe et que nous cultivons dans un élan de bien.
Et tout d'un coup tu fais ta mauvaise tête ! "Tu sais ce que tu dis ?" me glisses-tu tu le sais vraiment ? Et tu sais qui tu es pour dire ce que tu dis ?"
Qu'est-ce que tu me veux ? mettre un vers dans mon fruit ? me diviser, me mettre à mal ?
Tu soutiens que non ! Tu dis que rien n'est jamais sûr. "Les ombres se projettent dès lors qu'on est au jour" et tu rajoutes : "Ne sois pas chagrin, c'est parce que c'est la nuit qu'on a besoin des autres ; tu les supportes car tu sais qu'ils souffrent ta présence. Et parfois, un même éclair zèbre le ciel ! Mystère, mystère, c'est si furtif, et
délicieux !"