Ici l'article en question.
L'essentiel est le rappel de cet objectif de l'EI : "un but politico-religieux : instaurer le califat."
Et pour cette fin, les djihadistes deviennent des fanatiques de la mort comme arme politique (ceci pour dire vite). Il me semble qu'on oublie un peu rapidement (en matière d'outils de réflexion) que nous avons eu maintes fois dans notre propre histoire affaire avec ce phénomène (le terrorisme politico-religieux). En particulier au XVème - XVIème siècles : à Florence (1494), ce fut l'épisode de la prise du pouvoir par Savonarole qui instaura une théocratie, Jésus Christ étant "le roi des Florentins", et Savonarole, son porte-voix - en Allemagne, (1534) ce fut l'épisode de Munster où sous la conduite de l'anabaptiste, Jean de Leyde, qui prétendait être directement inspiré par des visions divines, la ville fut transformée en théocratie et administrée par la terreur, dans un climat délirant et meutrier, et ainsi refondée comme Nouvelle Jérusalem.
Au titre de la terreur comme arme politique, on peut penser aussi aux massacres de la Saint-Barthélemy (1572).
Dans tous ces cas, ce qui frappe, c'est comment, en peu de temps, des populations entières sont gagnées à la passion du meurtre comme arme politique sur fond religieux, passion qui fait gommer tout lien autre que religieux, et en particulier, le lien familial : lors de tous ces massacres (dont la Saint-Barthélemy), les enfants ont tué leurs parents, les homme, leurs frères.....
Je prendrai l'exemple de Savonarole : il requiert les enfants et adolescents ("Laissez venir à moi les petits enfants", ceci dit sans humour car Savonarole se présentait comme la voix du Christ-roi, et les jeunes gens furent organisés en sorte de phalanges pour propager dans Florence la coutume du "bûcher des vanités", ceci lié à une réelle démarche politique (de revendication d'autonomie pour Florence et de lutte contre l'église du pape, décrite comme "un putain fière et menteuse" ) : tout ce qui corrompt l'âme, devrait disparaître par le feu (comme les livres, les instruments de musique, la peinture, les artifices du costume...). En lisant des documents sur l'époque, quelle ne fut pas ma surprise de constater que Botticelli lui même apporta certaines toiles à brûler ! J'évoque Botticelli, car précédamment il avait fait un acte pictural tout opposé : il avait illustré la Divine Comédie de Dante dont il est important de rappeler qu'elle fut rédigée par le poète en exil - exil politico-religieux : Dante prônait une division entre le politique et le religieux dans le gouvernement de Florence, en cela il s'opposa aux Guelfes noirs (dès la fin du XIIème siècle, exil à partir de 1300, à peu près).
Les points communs sont innombrables entre ces épisodes : outre le désir de fonder des théocraties, on y trouve une violence qui dépasse l'entendement (très similaire à celle de l'EI) et se propage très vite ; on retrouve aussi cette manière d'ôter l'humanité aux victimes (ce que le nazisme a repris à grande échelle, et qu'on retrouve dans le génocide au Rwanda) : ceux que l'on doit tuer, sont désignés comme des "porcs", des "loups" (terme utilisé pour désigner "les hérétiques"), ....
La violence meurtrière s'annule dans l'imaginaire du "combattant" car elle devient la preuve de la ferveur, la preuve fondamentale de l'engagement au service de ... : massacrer est la trace effective de sa profonde fidélité. Mourir soi même en est une déclinaison.
Enfin, on retrouve chaque fois, dans ces projes politico-religieux évoqués ci-dessus, une réelle organisation (manière "politique") de la société, une forte hiérarchie et une foule qui adhère, aidée par d'innombrables rituels (effet psectaculaire de la mise en scène). Et enfin, on lit chaque fois l'idée que ce combat se justifie par une immédiateté affirmée (fidélité littérale) entre l'engagement du combattant et la parole divine, qui aurait été dévoyée par tous les autres.