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Billet de blog 27 octobre 2011

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Bruno Dumont : placer le monde "HORS SATAN" ?

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Paysages larges de la Côte d'Opale, striés de fils barbelés, souffle du vent, seule bande son du film, villages et habitants cassés, oubliés et taiseux. Presque deux heures d'errance silencieuse au fil de la lande, des buissons, des routes désertes. C'est en ce voyage que nous guide Bruno Dumont dans son dernier film, Hors Satan.

Un homme (David Dewaele, jouant ici pour la troisième fois chez Dumont) qui parle tellement moins qu'il ne marche, regarde moins qu'il ne fixe - quel Dieu, quel Diable, dans le ciel immense auquel il adresse un angélus, les genoux à terre ? - et dont le regard et la marche captent tout dans leur silence - les autres personnages, le décor, nous mêmes - et quelques événements incongrus ou inquiétants qui se déposent sur ces confins.

Derrière l'homme, à pas de chevreuil, une fille vêtue de noir (Alexandra Lematre) le suit, tente un jeu taquin ou un baiser, supporte d'être repoussée : ce qui l'attache à ce pas de vagabond n'est peut être pas un simple émoi amoureux, elle effectue un itinéraire initiatique vers ce qu'elle ignore ; et comme elle, le spectateur patient (s'il l'est) s'embarque dans l'ouvert, fait d'autant de glaise, d'eau, de feu, que de vertige mystique - forme inconnue de soufisme nordique -

Ce film prend l'autre dans des rets de lumière froide, lui souffle le vent des dunes dans les cheveux, lui offre le vol fixe, dit du "Saint Esprit", d'un faucon crécerelle, comme point de repère dans le ciel remué, le distend entre meurtre et miracle. Tout y est très réel et très disproportionné, extravagant : pour ne pas être réaliste, un film doit l'être d'abord. C'est la position de Dumont.

Tout y est corps traversé, lavé, refroidi, terrassé, emporté, ressuscité ; mais tout y est aussi vent, pluie, chemin et ciel.

On évoque déjà, au sujet de Hors Satan, le film Ordet de Dreyer, je songe à Bresson, mais aussi à Théorème de Pasolini, l'ironie en moins.

Pour Bruno Dumont, le sacré est dans l'art, voici ce qu'il en dit :

L’expérience spirituelle finalement, on l’a aussi bien à la faveur de la lecture d’un poème de Rimbaud ou tout simplement à la contemplation d’une toile de Mondrian ou au cinéma. En fait, j’ai eu des grandes expériences spirituelles en regardant des films de Roberto Rossellini. Et c’est ça que je cherche en fait. C’est de redonner à ceux qui ont quitté, qui se disent athées, je pense qu’il faut les ramener dans les salles de cinéma. Mais pour se faire, il faut que le cinéma ne soit pas que pur divertissement, mais au contraire qu’il soit pure méditation et que ce soit un moment où chacun peut aller réfléchir.

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