Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !
Ce sont ces vers qui concluent le poème Chanson d'après midi de Baudelaire ; François Dupeyron en extrait le premier pour intituler son dernier film sorti mercredi 25 septembre.
Interpétation : Grégory Gadebois, Céline Sallette, Pierre Darroussin, Marie Payen, Philippe Rebbot ...
Direction de la photo : Yves Angelo
Production : Paulo Branco
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Vous trouverez de nombreux articles qui donnent un résumé :
Extrait du Monde :
"Après la mort de sa mère, Frédi (Grégory Gadebois, la révélation du film), un homme d'une cinquantaine d'années, épileptique, doit se résigner au fait qu'il a hérité des dons de guérisseur de celle-ci. Un accident de la route (il a heurté, avec sa moto un gamin qui est désormais plongé dans le coma) le convainc d'accepter cette aptitude dont il fait profiter ceux qui viennent désormais le voir, espérant soulager leurs souffrances.
Le hasard met sur sa route une jeune femme alcoolique (Céline Sallette), tourmentée par une expérience passée qui restera longtemps ignorée du spectateur. Deux êtres blessés par la vie vont entrer en collision pour vivre, peut-être, une histoire d'amour improbable."
http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/09/24/mon-ame-par-toi-guerie-le-guerisseur-et-l-alcoolique-soignent-leurs-blessures_3483273_3246.html
ou : http://www.telerama.fr/cinema/francois-dupeyron-commente-trois-extraits-de-mon-ame-par-toi-guerie,102592.php
Je me contenterai donc de livrer quelques pensées suscitées par ce film formidable.
Beaucoup de critiques insistent (à juste titre) sur le chemin de rédemption par l'amour que filme Dupeyron, en scrutant au plus près le visage de Frédi puis en le suivant à moto : itinéraire d'un homme qui ne "comprend plus rien" (entre guillemets, des mots du personnage). Il est à la fois dans le monde et à côté ; des "trous noirs" hachent sa vie lorsqu'il s'abat au sol, terrassé par le haut mal épileptique. Plus rien pour lui n'assure le lien entre l’"avant" – l’"après". L'homme n'a rien d'inquiétant, il a même une allure de nounours pacifique ; mais l'étrangeté de ce rapport stroboscopique au monde l'occupe de plus en plus : le mystère est en lui, mais à la différence de bien des gens, il se met à l'accepter et l'examine, les yeux ouverts en dedans et en dehors, sans que jamais pourtant le film ne tombe dans le spectacle psychologisant d'une introspection - le film est d'abord une affaire de corps présents, en présence -

Et c'est là que le film offre sa grande profondeur : Frédi vit, comme nous, dans un univers qui a perdu / perd son sens, un monde d'images coupées, d'êtres humains rejetés, de groupes humains démantelés, de classes sociales repoussées (nous retrouvons la vie des campings de mobile-home, filmés il y a peu dans Grand Central), de familles éclatées, aux histoires (mal) enfouies, dont les morts pèsent en silence, d'histoires d'amour mortifère (le récit de Nina - Céline Sallette -).
Ainsi Dupeyron ne se contente pas de filmer les tremblements d’ "une âme", il scrute ce qui se défait, ce qui ne tient plus, au fond de nous, autour de nous : lorsque la vie menace ruine (ruine intime, ruine sociale), il est temps de laisser venir en nous ce qui donne sa chance à ce qui relie, ce qui cherche l’autre – laisser venir l’événement –
Cette fable est un stylet qui fouille, bouleverse et, s’attardant sur les bords de la blessure, qui met au jour la chance qui n’est qu’un risque accepté. Ce film est ainsi politique.