Pierre Silvain est mort il y a deux mois ; j'ai déjà parlé de lui dans un précédent billet ; peu avant son effacement, est sorti ce livre chez Verdier, juste écrit à temps, où il évoque un passé enfui, tout cristallisé autour de la figure maternelle. Curieux hasard, puissante nécessité d'écrire ce livre avant que ne disparaisse à son tour ce monsieur si doux et discret, à l'écriture aussi simple et précise que bouleversante.
Tout le récit de Pierre Silvain tient dans une image : une plage sur laquelle, d’abord éloignés, se tiennent un enfant et une femme.
« Où que votre vie finisse, elle y est toute. » Montaigne
Voici les dernières lignes :
Malgré les trente cinq années qui ont passé depuis que sa mère est morte, elle lui réapparaît, inchangée, paisible, comme si elle n'avait pas eu l'arrachement de la séparation.
La scène de la plage de nouveau distincte se poursuit dans le rêve un instant interrompu. L'enfant se terre toujours dans son creux, la mère continue de regarder pljus loin que l'horizon ce qu'elle est seule à voir, des vaguelettes viennent mourir devant elle dans un pétillement d'écume, une sorte de bave bientôt sèche qu'aucun souffle du vent marin ne disperse en flocons courant au ras du sable, et invariablement arrive ce moment de l'après midi où tout soudain s'obscurcit comme si le soleil s'était voilé, le cri de l'enfant s'élève à la seconde même de la disparition de sa mère, de la forme immobile à quelques pas de lui, suivi par l'appel épouvanté que recouvre aussitôt le fracas de l'eau qui déferle. La lumière noire de l'éclipse s'éloigne, l'enfant émerge du sable où il s'est enfoui, la mère s'approche, les bras tendus pour le prendre, et lorsqu'elle atteint le bord du trou, son corps de géante lui cache l'étendue dormante de l'océan, la plage vide, l'éclat du ciel.