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Marilza de Melo Foucher

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Billet de blog 10 avril 2012

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La politique internationale, grande absente de la campagne

La campagne électorale française est si médiatisée qu’elle devient un vrai casse-tête pour n’importe quel analyste. Malheureusement, elle se déroule en mode « zapping », méthode tactique inaugurée par Nicolas Sarkozy qui empêche tout approfondissement des thèmes et tout questionnement politique. 

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La campagne électorale française est si médiatisée qu’elle devient un vrai casse-tête pour n’importe quel analyste. Malheureusement, elle se déroule en mode « zapping », méthode tactique inaugurée par Nicolas Sarkozy qui empêche tout approfondissement des thèmes et tout questionnement politique. 

Cette campagne présidentielle se concentre sur des questions souvent éloignées des principales préoccupations des Français. Sont ainsi mises en avant des questions autour de thèmes tels que l’immigration, le culte musulman ou encore la sécurité. Il existe un décalage entre la médiatisation de certains thèmes et les besoins ressentis par la population. Les instituts de sondages montrent que cette campagne est importante pour les Français (66% des Français le pensent), mais la plupart déplorent que beaucoup de thèmes qui les intéressent ne soient pas débattus. C’est le cas par exemple du nombre croissant de chômeurs: pour 73% des Français, la question de l’emploi est la principale préoccupation. Autres priorités : l’éducation, la santé, la baisse du pouvoir d’achat ou encore la dégradation des services publics. Un débat de fond sur ces thématiques questionnerait évidemment le choix des politiques menées par les gouvernements de droite depuis 12 ans. Les propositions des candidats de gauche sont plus soucieuses des thèmes cités précédemment, toutefois Nicolas Sarkozy a réussi avec un certain succès à mettre à l’agenda politique des médias ses thèmes privilégiés.

D’autres questions sont absentes des débats comme celle de l’écologie et de la politique internationale, l’une est l’autre sont d’ailleurs intrinsèquement liées puisqu’il s’agit pour la première d’une problématique planétaire. Nous venons d’assister, entre 1972 et 2012, à quarante ans de négociations internationales sur l’écodéveloppement sans grands résultats. L’évènement Rio +20 à venir en juin prochain à Rio de Janeiro ne soulève déjà pas l’intérêt des gouvernants.

Traditionnellement en France, la règle fut toujours de dire qu’une élection présidentielle ne se gagne pas en parlant de politique étrangère, pourtant cela pourrait se caractériser pour la France par une perte d’influence dans la rénovation du multilatéralisme. Si la victoire de la gauche se confirme, certains espèrent que ce sera l’occasion pour la France d’être un acteur important du processus de démocratisation de la gouvernance mondiale. 

Aujourd’hui nous sommes face à une situation internationale qui mériterait de la part des analystes et des économistes une plus grande réflexion. Il est fort probable que le monde euro-américain soit en train de vivre la phase finale de sa domination, un nouvel ordre international se dessine. Le monde connaît une nouvelle reconfiguration géopolitique, il serait intéressant  de questionner dans ce débat présidentiel le rôle de la France dans ce monde multipolaire. Le défit est tel qu’il ne peut être absent de ce débat.

Pourtant, malheureusement, les enjeux internationaux ne sont abordés qu’à travers la question de la gestion de la crise financière de l’Union européenne par la «Troïka» - Commission Européenne, Banque Centrale Européenne (BCE), Fond Monétaire International (FMI), dans le cadre de l’orthodoxie de l’économie néolibérale. L’austérité budgétaire est présentée comme la seule solution viable pour sortir de la crise. Le dénommé pacte de stabilité budgétaire fut signé par les 25 pays de l’Union européenne à majorité conservatrice. 

Au lieu d’ouvrir le débat sur les conséquences économiques, sociales et politique de cet accord, celui-ci se limite à aborder la relation privilégiée entre la France et l’Allemagne, considérée comme la seule force motrice capable résoudre la crise européenne, au point de provoquer un certain mécontentement de la part des autres membres de l’Union Européenne. Le duo « Sarko-Merkel » défend un renforcement des sanctions ainsi que des règles plus strictes pour les pays de la zone Euro, des orientations qui entrainent l’Europe dans la spirale de la récession.

L’Europe du Nord asphyxie l’Europe du Sud. L’Union européenne traverse une crise sans précédent qui mériterait une analyse géopolitique. Sans vouloir faire pour autant une comparaison abusive, ne pourrions-nous pas nous interroger : quelle est aujourd’hui la différence entre l’Europe du Sud et l’Amérique du sud ?

Un questionnement qui était à l’époque valide pour l’Amérique du Sud peut être aujourd’hui posé pour la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et même d’autres pays d’Europe. S’ils appliquent le plan d’ajustement structurel, comment leurs gouvernants répondront aux défis démocratiques alors que l’Etat est faible lorsqu’il s’agit de répondre aux citoyens et fort pour répondre à la politique financière spéculative ? 

Les vieilles recettes néolibérales qui n’ont pas fonctionné en Amérique Latine, seront appliquées à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne. Une fois de plus les plus pauvres et les classe moyennes seront les cobayes de cette thérapie de choc néolibéral. Les institutions européennes rompent avec l’idéal européen de solidarité entre les peuples pour imposer des mécanismes antidémocratiques et antisociaux pour sauver de la faillite le modèle néolibéral.

Qui peut oublier l’ordonnance du FMI prescrite aux pays d’Amérique du Sud ? Bien que le contexte ne soit pas le même, les mesures préconisées par l’Union européenne, principalement en direction de la Grèce, sont très proches de la politique d’ajustement structurel dictée à l’Amérique du Sud il y a quelques années. Le résultat fut désastreux et ce, au moment même où les Sud-Américains commençaient à rêver de république souveraine et démocratique, avec un Etat capable de maintenir une cohésion socio-économique et politique. A l’époque, l’idéologie néolibérale prônait un Etat entrepreneur et annonçait la mort de l’Etat comme socle de la cohésion sociale. Quel en fut le résultat ? La ruine de l’Etat, dernier pilier d’une vie collective ! Sa reconstruction est le fruit aujourd’hui d’un effort ardu et collectif des gouvernements progressifs et de toute la société civile.

Pourquoi les candidats de gauche à l’élection présidentielle ne citent pas en exemple les pays d’Amérique du Sud qui face à la même crise financière font aujourd’hui des choix distincts tant sur le plan politique qu’économique ? Il serait intéressant que les électeurs français sachent comment les gouvernements de gauche aujourd’hui en Amérique du Sud font face aux conséquences d’un néolibéralisme mondialisé. Le néolibéralisme ne fut jamais un modèle de développement mais qu’une stratégie géopolitique de domination.

Ce qui est aujourd’hui entrain de se dérouler en Europe du Sud devrait pousser les candidats et les militants de gauche européens à repenser à des alternatives plus adéquates à une nouvelle configuration géopolitique du monde. Nous sommes face à un monde qui a évolué de part sa diversité et son pluralisme. L’état du monde actuel requière une analyse globale ainsi que des réponses articulées entre elles.

Pourquoi ne pas penser à une coalition entre les gouvernements progressistes d’Amérique du Sud et d’Europe, des mouvements sociaux, des centrales syndicales, du monde associatif, afin de créer une synergie des forces capables d’obtenir une réforme totale des instances internationales comme l’ONU par exemple ? Les instances multilatérales sont aujourd’hui fragilisées et incapables d’exercer un pouvoir de régulation sur les problématiques mondiales. Leurs structures ne sont plus adaptées à un monde multipolaire. La preuve en est, le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC sont en train d’agir au fil des années en contradiction avec les principes essentiels de la démocratie et de la souveraineté des nations.

Il n’existe pas de bases pour une gouvernance démocratique mondiale lorsque le fonctionnement de ces institutions dépend du poids du capital financier investit par les grandes puissances qui agissent en fonction de leurs propres intérêts et se comportent comme les porte parole de la pensée néolibérale.

D’ores et déjà, quelques exemples de coalition entre grands et petits pays commencent à peser dans les négociations de l’OMC. Pour autant, seul un regroupement des forces entre les partis politiques de gauche, les mouvements sociaux, le monde associatif ayant une vision intégrée et solidaire du développement sera capable de démocratiser les instances multilatérales. Je ne me souviens pas de l’auteur de cette phrase que j’ai un jour entendu lors de mes voyages au Nordeste du Brésil mais il disait : les désirs de la vie forment des chaînes, parmi lesquelles on trouve l’espoir.

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