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Marilza de Melo Foucher

Docteur en Economie (Sorbonne), journaliste et écrivaine franco-brésilienne

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Billet de blog 13 décembre 2022

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Les nouveaux enjeux géopolitiques et le nouveau paradigme du développement territorial durable

Il n'y a pas d'écodéveloppement territorial durable sans une vision intégrée de la réalité et sans la participation active de la citoyenneté politique, et sans un multilatéralisme qui vise à prévenir et à protéger notre patrimoine commun. L'Amazonie par exemple, avec sa dimension nationale et internationale, car elle rassemble la plus grande biodiversité de la planète, devient le grand enjeu de la géopolitique de la biodiversité chargée de sauvegarder les générations futures. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aujourd'hui, il est difficile de penser au Brésil sans prendre en compte les changements de la géopolitique mondiale. Si auparavant la géopolitique n'avait pas que peu d'impact sur les variables régionales, il est aujourd'hui impossible d'exclure de ce débat les questions liées à l'environnement, à la démographie, aux épidémies (qui se sont transformées en pandémies), aux ressources naturelles, au réchauffement climatique, etc. Ce sont des variables qui sortent de la sphère locale pour devenir de véritables enjeux mondiaux.

On peut dire, dans une certaine mesure, qu'actuellement la géopolitique entretient une relation étroite avec la biodiversité et le développement durable. Et, plus que jamais, il faut rester attentif à la marchandisation de l'écologie qui est mise en avant, considérant que la logique de la rationalité économique ne respecte pas toujours la préservation des écosystèmes. Conclusion : le risque d'intensification de l'appropriation destructrice des ressources naturelles requiert de la vigilance.

Depuis les années soixante-dix du XXe siècle, la question de l’exploitation illimitée de la planète Terre a émergée. Le rapport Brundtland, publié dans la décennie suivante, en 1987, intitulé « Notre avenir à tous », abordait le développement avec les « devoirs pour les générations actuelles de transmettre un monde habitable, viable et reproductible ». Un nouveau paradigme de développement durable est alors né, qui va être popularisé dans les années 1990. Aujourd'hui, la réalité dans laquelle se trouve la planète Terre est la preuve que la gouvernance mondiale n'a pas pleinement adhéré au concept de durabilité. Les pays développés ne sont pas disposés à remettre en cause leur modèle économique, condition nécessaire pour avoir une chance de maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C, selon les informations sur l'évolution climatique publiées par le Groupe intergouvernemental d'experts-GIEC.

Malheureusement, la vision néolibérale du développement économique continue à prévaloir alors que ce modèle a dépassé et épuisé ses propres limites. Il est devenu globalement inadapté, se transformant en une menace pour l'environnement, aggravant la désertification et provoquant la faim pour des milliers d'êtres humains.

Des décennies ont passé, il y a eu un changement de siècle et l'humanité est toujours confrontée à des catastrophes économiques et écologiques. Aujourd'hui, nous assistons à des atteintes à la biosphère, à des catastrophes naturelles exceptionnelles telles que sécheresses, inondations, cyclones et tempêtes, etc. La tendance, selon les études du GIEC 2021, est à l'augmentation de ces catastrophes naturelles, ce qui entraînera certainement des flux migratoires et des urgences humanitaires dans de vastes zones de la planète. Il est assez aisé de constater qu'une forte canicule sur une période de 10 jours suffit à causer des dégâts irréversibles aux cultures, générant des difficultés économiques majeures qui impactent la résilience et la sécurité alimentaire des territoires. L'OMS, en 2016, prévoyait déjà qu'entre 2030 et 2050 le changement climatique entraînerait près de 250 000 décès supplémentaires par an. Les conséquences du changement climatique se traduisent par l'augmentation des cas de malnutrition, de paludisme, de diarrhée et de stress dû à la chaleur, qui représente aujourd'hui la principale cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans.

Malgré de nombreuses réunions au sommet et d'innombrables conventions internationales, les organes liés à l'ONU ne sont pas encore parvenus à changer les règles de la mondialisation basés sur le néolibéralisme qui provoque de tels dégâts. Il est à noter que l'espace décisionnel « onusien », restreint aux grandes puissances, est devenu une excellente tribune pour que les acteurs mondiaux assument la défense du nouveau concept de développement durable, valorisant une réconciliation entre économie, vie sociale et environnement. Mais la distance entre les beaux discours et la pratique est énorme.

L'éveil d'une conscience écologique

L'adhésion de l'opinion publique internationale à la question environnementale est un fait positif, produisant une pression croissante sur les représentants politiques. Une pression efficace, à en juger par l'évolution de certains gouvernants et hommes d'Etat sur le débat écologique, dont l'exemple marquant est l'engagement pris en Egypte lors de la COP27. Dans le cas du président Lula récemment élu, l'existence d'une prise de conscience écologique s'est faite grâce à l'adhésion historique de mouvements sociaux, d'organisations non gouvernementales (ONG), de syndicats et d'acteurs de la société civile brésilienne engagés dans des causes environnementales. Le calamiteux gouvernement Bolsonaro sur la question environnementale a révélé un recul des acquis en ce domaine ainsi que dans le domaine des droits humains. L'invasion des territoires indigènes au Brésil pour s'approprier leurs richesses naturelles a causé d'énormes dommages aux écosystèmes et à leur biodiversité.

On s'attend à ce que le nouveau gouvernement de Lula, Luiz Inácio da Silva, adopte une vision plus écologique du développement. Dans un discours prononcé à la COP27 en Égypte, il a démontré sa connaissance des risques environnementaux, soulignant la nécessité d'une attention intense visant à préserver la planète Terre. Il a souligné que la crise mondiale ne peut être résolue sans un changement structurel de la gouvernance mondiale, considérant que les institutions créées après la Seconde Guerre mondiale doivent être réformées afin que le multilatéralisme puisse également être renouvelé et renforcé. Lula semble disposé à assumer un leadership mondial face aux problèmes géopolitiques actuels de l'écologie, combinant des qualités telles que le charisme, le pragmatisme politique et de grandes capacités de négociation. Lula a défendu que les États doivent continuer à avoir leurs intérêts nationaux et leur souveraineté, ce qui ne les empêche pas de partager des intérêts communs. Les nouveaux défis mondiaux nécessitent une réponse collective, comme la récente pandémie de coronavirus qui a provoqué une panique mondiale, modifiant considérablement l'équilibre géopolitique mondial. 

La géopolitique de la biodiversité et le nouveau paradigme du développement territorial durable. 

Le Brésil, en tant que détenteur d'une riche biodiversité, est exposé au défi géopolitique de la biodiversité : présent dans la dispute pour la grande banque de « ressources génétiques » telles qu’elles sont définies par la CDB (Convention sur la Diversité Biologique, Sommet de Rio, 1992). Les matières premières issues de la biodiversité sont précieuses pour les grands groupes transnationaux et les multinationales des industries pharmaceutique, cosmétique, agroalimentaire entre autres. D'où la nécessité d'une coopération étroite et d'un travail bien articulé entre les centres de recherche, les universités, les laboratoires, le ministère de l'écologie, les administrations territoriales. En ce sens, le potentiel productif d'un écosystème aura une gestion durable, tenant compte de l'appropriation culturelle et économique au niveau local. L'élaboration et la mise en œuvre de tout programme, plan, projet et action d'écodéveloppement territorial doivent être rendues possibles par des relations partenariales multiples, basées sur des contrats avec des objectifs précis définissant le rôle de chaque acteur associé. Le succès de la collaboration dépend de la réciprocité et de l'interaction entre différents domaines de connaissances, tels que la géographie, l'économie, la sociologie, l'écologie, la biologie, la pharmacologie et l'anthropologie, entre autres. Elle suppose également l'articulation entre d'autres secteurs d'appui tels que les transports, l'assainissement, les infrastructures urbaines, l'environnement, l'aide sociale et l'aménagement du territoire. Par rapport à la citoyenneté, cette démarche doit intégrer des segments sociaux représentatifs (entreprises, institutions associatives, organisations publiques et non gouvernementales, syndicats, monde associatif), agissant dans différents secteurs de la connaissance dans les plans territoriaux, des collectivités locales, régionales, caractère national et international.

Il n'y a pas d'écodéveloppement territorial durable sans une vision intégrée de la réalité et sans la participation active de la citoyenneté politique. La mobilisation et la participation de tous les acteurs de la société civile ne signifient pas instrumentalisation, mais plutôt collaboration dans la cogestion de l'écodéveloppement territorial. Tous les acteurs sociaux doivent pouvoir participer aux processus décisionnels. Ce n'est qu'à travers la participation citoyenne, de manière intégrée et articulée, que le développement peut garantir sa durabilité. Sinon, c'est la continuité d’une rhétorique du discours conceptuel sans impact sur le champ d'action.

La vision systémique du développement ne sépare pas les secteurs écologique, politique, culturel, social et économique. L'économie, étant au service de l'homme, protégerait la biodiversité et la socio-diversité. Les écosystèmes, en ce sens, font partie intégrante de l'existence planétaire.

C'est l'utopie partagée qui fait avancer l'histoire. Elle nous fait avancer vers un projet mondial plus solidaire, écologique et engagé dans le domaine des droits humains, impliquant le droit international humanitaire aux côtés de la lutte contre le changement climatique.

Il n'est possible de parvenir à un développement durable qu'en mettant en pratique un multilatéralisme qui vise à prévenir et à protéger notre patrimoine commun. L'Amazonie par exemple, avec sa dimension nationale et internationale, car elle rassemble la plus grande biodiversité de la planète, devient le grand enjeu de la géopolitique de la biodiversité chargée de sauvegarder les générations futures. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.