C’est peut-être que le cinéma oscille lui-même terriblement au bord de ces ornières, de même sans doute que nous y oscillons tous, ces temps-ci : on prend une idée, ou même un mot, et il se déforme aussitôt, se caricature ou se retourne contre lui-même ; il se fige en cliché, l’idée en opinion, ou en arme, et il faut à chaque instant déjouer cette déformation, redonner vie au mot - à la métaphore, l’image, l’idée - pour parvenir, peut-être !, à simplement regarder, voir - nommer. Ou, plus modestement : regarder, voir - interroger.
Ces jours-ci fleurissent donc colloques, numéros spéciaux et journées d’études sur « l’avenir du cinéma ». « Le cinéma est-il mort ? » « Quel cinéma pour dans 20 ans ? » - et il y a des raisons d’interroger ça en effet, des raisons matérielles très concrètes, puis aussi des raisons plus délicates à saisir, et nommer, qui ont quant à elles à voir avec le regard, le désir, et avec là où nous en sommes aujourd’hui, globalement, dans quel monde (dans le fond ce sont les mêmes raisons, bien sûr, celles-ci produisant celles-là). Parce que le cinéma qui reste, c’est dans ce temps-ci : maintenant, où l’on ne sait plus très bien ce qui restera de tout ça en effet, pas seulement le cinéma, ni pourquoi. Et pour quoi, pour quoi faire. Colloques et numéros spéciaux cependant parlent moins que les films eux-mêmes, qu’il faut regarder (entendre) ; hantés par la même inquiétude, dont le devenir du cinéma en tant que tel n’est donc que l’expression mineure. La question fébrile majeure, en réalité, serait : quel monde nous reste-t-il encore ? à l’intérieur de laquelle seulement (y compris pour le cinéma lui-même, et même à contrecœur, il le sait) s’inscrit la question du devenir spécifique du cinéma.
Cinéma qui a peut-être une telle propension à s’inquiéter sans cesse à nouveau de sa fin de ce qu’il est si irrémédiablement lié à la modernité : son rejeton d’abord triomphant, et que non seulement la modernité n’existe déjà plus depuis longtemps, mais que même ses déclinaisons se voient au bord du précipice – non – déjà précipitées, précipitantes, pas si différentes de ces personnages à la Tex Avery qui pédalent encore frénétiquement alors qu’il n’y a plus rien sous leurs pieds ; avant de tomber. « Notre monde », ça pédale comme ça et c’est déjà tombé tout à la fois. Le cinéma aussi. Mais de même que notre monde continue à tourner, des films, il n’en manque pas, bien au contraire. Et pour certains, ils parlent de ça. En partie en s’en emparant, en partie à leur corps défendant, l’un n’étant pas moins intéressant que l’autre d’ailleurs.
Et il y a notamment MEGALOPOLIS… Le fameux film du fameux Coppola. Ce dernier opus énorme d’une œuvre énorme, que le réalisateur s’efforçait de faire depuis plus de trente ans. Le film pour clore ? couronner ? son œuvre ? « Francis Ford Coppola ». Devenu par la force des choses – les délais pour le faire, le moment où il arrive enfin - film-monde (comme le titre l’annonce massivement), pour sauver le monde, pour sauver le cinéma. Coppola voulait-il sauver monde et cinéma il y a trente ans ? Je ne sais pas. Certainement le besoin ne s’en faisait-il pas sentir de la même manière : on le sait, on le vit tous. Apparaissant (se révélant à nous) finalement aujourd’hui, c’est ce à quoi en tout cas le film semble s’atteler : réinventer le cinéma – pour le sauver - en proposant un récit qui réinvente – pour le sauver - le monde, et c’est aussi le témoignage d’une croyance extraordinaire et magnifique que la conjonction de ces deux phrases, « sauver le monde » et « sauver le cinéma », de l’intrigue du film et de son geste ainsi quasi performatif. Magie en effet ! Le personnage principal du film veut sauver le monde : celui-ci étant représenté par La Ville, sauver celle-ci via une architecture totalement neuve fondée sur un matériau inventé par lui, matériau vivant aux propriétés de régénération infinies. Le film accomplit son geste, la volonté du Sauveur, dans le cours du récit (il a fallu une apocalypse entre-temps pour qu’enfin le geste en soit accepté par « le monde », ie ses habitants), « réalisant » ainsi son projet – mais aussi il le « méta-accomplit » en le fabriquant en un feu d’artifice cinématographique. Nouvelle ville nouveau matériau nouveau cinéma : l’homme à la caméra de Dziga Vertov, version américaine, numérique, 2024, en quelque sorte. Il l’accomplit aussi en donnant un super-pouvoir à son Héros. Il est celui qui « arrête le temps ». Le geste de Coppola et celui de son personnage sont les mêmes : magiciens à l’ambition et à la générosité sans bornes. Et Coppola de nous donner des solutions et pour le cinéma, et pour l’avenir du monde, donc. Pour le cinéma, baroque, inventivité, trop-plein, valse de personnages, split-screens, images de synthèse, métamorphoses, burlesque, surimpressions, alliance shakespearienne de tous les genres, convocation de tous les arts… Et surtout : appétit et croyance. Et pour le monde : se méfier de la populace mais aimer les enfants, mise des valeurs humanistes « éternelles » (au moins depuis Rome et Cicéron, disons) au centre, foi en le salut par la technique, amour universel et bienveillance, et surtout évidemment foi en le geste de l’homme providentiel. Et la grâce, ou l’élection, de celui-ci – sans quoi rien de tout cela ne pourrait avoir lieu. « Arrêter le temps » : un seul peut le faire (jusqu’à ce que par amour cette grâce se transmette, à sa femme puis à sa fille). Le geste magique.
Je sonne pleine d’ironie quand je voudrais n’en avoir aucune. J’ai un amour profond en même temps qu’une tristesse profonde envers tout cela. Amour profond parce que ce désir-là, cette générosité, cette inventivité ont produit des films qui m’ont fondée, que je continue de trouver magnifiques ; et aussi parce que l’appétit demeure et cela aussi je trouve ça magnifique. Tristesse profonde parce que ces « réponses », « solutions », me semblent poussiéreuses, jusqu’à en être pour partie nauséabondes ; du côté du cinéma comme du monde. Il n’y a pas à ricaner ; mais réfléchir, oui. L’homme miraculeux qui a réalisé les Parrain et tant d’autres films magiques. Est-ce que la magie opère encore ? Est-ce que la magie d’un homme est encore ce que nous devons chercher ? Est-ce qu’il faut croire à la magie – espérer que la magie advienne ? ou bien y renoncer ?
Réfléchissant à Mégalopolis, je revois LE CONFORMISTE (Bernardo Bertolucci, 1970), ressorti ces jours-ci, puis dans la foulée DIRECT ACTION (Ben Russell et Guillaume Cailleau, 2024), sortie en salles prévue ce 20 novembre. Les trois films ne cessent pas de se parler. « Comment le cinéma peut-il encore être vivant ? » Le cinéma d’avant était magnifique, d’une magnificence riche, complexe, souterraine et éclatante, s’autorisant opacité et fulgurance, déconstruit et triomphant d’assurance, de ce savoir : le cinéma comme art total, art de son temps. Le cinéma moderne. Le cinéma n’est-il pas mort ? Ohhh, si, celui-là en tout cas, certainement. Et si l’on se demande comment sauver le monde, il est évident qu’une réponse est, pas en tenant ce cinéma d’avant à bouts de bras : le monde d’avant tombe en morceaux, rien n’y tient plus, cinéma inclus, on ne refera pas Le conformiste aujourd’hui. Revoir le film, c’est se rappeler la beauté absolue de cette matière-là, la chose-cinéma : cadres, ambition, opacité. Ombre et lumière ? ô combien. Obscurité de la psyché dans laquelle on ne craint pas de plonger sans explications (on n’est pas dans une série, on ne surligne pas chaque intention, les gestes ne sont pas pris dans le fantasme de la sacro-sainte cohérence psychologique). Ni on ne craint l’obscurité – la noirceur, et d’y emmener le spectateur, lui-même concerné, on n’est pas des oies blanches, précisément. Lumière de l’éblouissement plastique. De la croyance dans la matière même du film. Bertolucci était marxiste. Mais son film ne nous enseigne pas comment sauver le monde. Il nous raconte comme le fascisme est proche ; si proche qu’il est potentiellement en chacun de nous (nul besoin j’imagine de rappeler que Bertolucci n’était pas lui-même sans noirceur en effet, non pas « par ailleurs », mais sans doute « dans le même geste » – le même travail).
Je serais tentée d’écrire que rappeler à chacun son obscurité, son ignorance, c’est une manière de sauver le monde : mais ce serait sans doute un leurre supplémentaire, bien que la question reste entière, sans cesse à poser à nouveau. En tout cas les spectateurs de 1970 n’ont rien sauvé du tout, ils sont même devenus, en tant que génération, nos fossoyeurs d’aujourd’hui. Ce qui est fascinant en tout cas c’est de voir les deux films côte à côte aujourd’hui. D’autant que les deux artistes, produits du même temps, ont déjà dialogué en un sens il y a 50 ans. Les points de similitude entre Le Parrain (1972) et Le conformiste par exemple sont assez frappants. Est-ce que Coppola de l’époque a vu Le conformiste ? S’est-il inspiré du chapeau, de la silhouette et de l’immobilité de Trintignant pour diriger Pacino ? leurs regards sont presque les mêmes. Et la compromission – le meurtre - au centre, bien sûr. Trintignant l’Européen devenu Pacino l’Américain ; du côté de l’incarnation chez Coppola, de la structure chez Bertolucci, dans les deux cas la tragédie. Cinéma américain versus cinéma européen. Croyance presque commune. Une certaine distance incompressible chez Bertolucci : vieille Europe, on sait… on en sait quelque chose... Coppola croyait-il sauver le monde alors ? Ses films sont trop pleins d’un savoir tragique pour qu’on puisse l’imaginer tel quel. Est-ce que l’art, est-ce que le cinéma peuvent sauver le monde ? Il paraît que Le Parrain est culte, ou l’a été, dans les mondes de la criminalité, utilisé comme motif, étendard et modèle ! Ce n’était sans doute pas la visée de Coppola. Et ça ne rend pas le film moins beau. Mais de l’ironie, là, il y en a.
Coppola intronisé roi du cinéma s’est peut-être pris à son propre rôle, en revanche. Ou peut-être – peut-on imaginer avec plus d’indulgence - plus exactement - s’est-il intronisé non pas en roi mais en perpétuel errant, errant couronné – peut-être ne s’est-il mis à croire qu’il pouvait sauver le monde (a minima, le cinéma, mais le monde aussi) parce qu’il le FALLAIT ? Et à qui d’autre que lui faire échoir cette mission ? Qui d’autre pour s’en emparer ? Advient donc, les obstacles de l’inertie et de la mesquinerie enfin franchis, dépassés (comme il adviendra pour son personnage dans le film), enfin révélé, Mégalopolis. Festival d’images qui fusent et jaillissent, brillance et invention magnifiques parfois de certaines. Appétit et jubilation ; magie. Mais Coppola n’a plus tout son art cependant, peut-être, et la magie est à la peine. Ce qui en reste à l’image, c’est la croyance : cette tension vers, ce désir de, cette foi. Et cet aveuglement. Je parlais de propositions nauséabondes. Elles sont nombreuses. La foule est stupide, laide, pleine de haine, il faut la tenir à distance. Les femmes sont stupides, sauf l’amoureuse malheureuse qui l’est un peu moins, mais tout de même, elle ne comprend rien à la grandeur (et elle n’est pas bonne, elle n’utilise son intelligence que pour être néfaste, dans le ressentiment) ; l’héroïne est une cruche qui accompagne son homme (et le réalisateur Coppola, cet immense directeur d’acteurs, ne sait plus choisir une comédienne autrement que pour son image de pin-up de publicité). Les slogans sont creux. La vision du futur supposément désirable, projeté, finalement réalisé, est poussiéreuse et rance, les catégories sont usées, inefficientes. Et surtout, au centre, il y a cette conjonction, ce double fantasme de l’homme et de la technique providentiels : ça ne marche pas. Ces catégories-là ne marchent plus, elles écrasent tout au contraire. Le film lui-même ne cesse d’en rajouter pour faire marcher le machin quand même, et il nous assomme et se traîne, malgré ses fulgurances. Quant au monde proposé – il n’adviendra pas, ou bien ce sera à la Trump, un monde terrible. Pour ce qui est de nous sauver on n’y est pas tout-à-fait. Coppola, notre homme providence, notre magicien, et son Mégalopolis, sont à côté de la plaque (qualités incluses). Ils dévorent 100 millions, dépensent 1000 fois ce que la terre peut porter, et la magie n’advient plus.
C’est probablement inévitable, de structure. Une chose me frappe, du Conformiste à Mégalopolis, c’est la place de la culpabilité. Le « j’ai tué » / « je n’ai pas tué » de leur personnage principal à chacun et ce qu’il produit : la culpabilité (fantasmée et réelle) des créateurs, et le rapport au monde, à l’emprise sur le monde, qu’elle fabrique peut-être. Voire leur culpabilité du fait qu’ils sont créateurs ? « Créateurs d’univers »… Ce qui est certain en tout cas c’est que Russell et Cailleau ne semblent pas se préoccuper de ça. Direct Action. Est-ce que quand on agit directement on n’a plus besoin de se tourner vers ses propres fantômes ? Ou bien est-ce que c’est une question de puissance (du danger de la toute-puissance) ? Ils ne créent pas un univers. Ils n’exercent de pouvoir sur rien : sinon la puissance de leur regard, non pas pour informer, modeler le monde, mais pour nous permettre de le traverser. D’en être traversés, devrais-je plutôt dire.
Un autre Américain, accompagné d’un Européen, reprend donc le flambeau, très différemment– à l’opposé, même. Ils ne sont évidemment pas les seuls à travailler le documentaire dans sa proximité avec l’art contemporain, et notamment dans le rapport à la durée du regard pour entrer dans un rapport autre à ce que l’on regarde. Ce qui est ailleurs à mon sens souvent une paresse voire une posture se trouve ici entièrement justifié : nous forçant à prendre part à ce que nous voyons. Direct Action nous fait donc partager pendant 3h36 les travaux et les jours d’occupants de la ZAD de Notre-Dame des Landes, entre 2022 et 2023 – nous rappelant pour commencer d’où vient cette ZAD et ce qu’elle a conquis (la seule victoire des combats politiques des dernières années) – avant de nous emmener, en un troisième tiers à la fois inattendu et absolument évident, autant que nécessaire, dans l’organisation puis la tenue de la manifestation de mars 2023 de Sainte-Soline, lieu de la répression policière que l’on sait ; puis de conclure (ou ouvrir : conclure le film, continuer d’ouvrir l’avenir) avec un état des lieux momentané de la situation policière et militante à Notre-Dame des Landes, à nouveau, au moment de la dissolution des Soulèvements de la Terre et des arrestations afférentes. Les très longs plans magnifiquement cadrés (en 16mm, parfois le temps d’une bobine entière, dont on voit jusqu’à l’ « amorce », i.e. la fin) nous font littéralement mettre la main à la pâte des situations, et penser, penser jusqu’à plus soif, ce que nous faisons là. Face au film et dans le monde. Nous font interroger le retour à la terre, sous quelles modalités, dans quels rapports à l’autre, au commun, pour réinventer quel monde (impasses incluses, me semble-t-il, en tout cas on a l’espace pour y réfléchir). Nous rappellent que c’est une lutte, cette question, aujourd’hui : une lutte centrale. Et brutale – la répression à Sainte-Soline n’étant probablement qu’un prémisse de cette brutalité. Et nécessaire. Et pour une fois, un film semble non seulement témoigner de quelque chose, une lutte, un élément du monde (le montrer, le raconter, le donner à penser) mais aussi et surtout y participer de par sa matière cinématographique même. Nourrir la lutte en la prolongeant, la modelant, la faisant infuser dedans et dehors. C’est très beau et très puissant et peut-être peut-on essayer d’y voir une piste pour du cinéma qui sauve (un peu) et se sauve (un peu plus).
J’avais eu cette idée, au moment de l’ « affaire Tarnac » en 2008, d’un film dont j’appelais le projet GRF, pour « Groupe de Révolution Fictif ». Ç’aurait été un film de fiction qui aurait créé en fiction un groupe d’activistes révolutionnaires réussissant à nous mener effectivement à une révolution. Révolution fictionnelle, par définition, elle ne prétendait pas déborder du film par magie, mais croyance en la fiction tout de même pour, peut-être au moins, rappeler quelques idées ? travailler l’utopie comme proposition sérieuse, pas seulement dans la fiction ? Je n’ai pas cessé de tourner autour de l’idée, sous diverses formes, dont aucune n’a abouti. Peut-être ces propositions sont-elles restées inabouties notamment parce que je n’arrive pas à trouver la forme vraisemblable que pourrait prendre cette révolution désirée, même en fiction. Direct Action n’a rien à voir avec ça mais en un sens me donne une réponse, face à Mégalopolis, par exemple. Cette série d’actes si réels – et si élémentaires ! même s’il y a bien sûr quelque chose de révolutionnaire dans ce retour à de l’élémentaire - qui peu à peu constitue un monde et une proposition devant nos yeux de spectateurs, c’est d’abord la réunion des gestes de plusieurs. Jusqu’aux réalisateurs eux-mêmes. Non pas l’artiste avec son idée et sa réalisation : mais plusieurs artistes avec leurs regards, la réunion de leurs désirs et talents, et surtout la conjonction de ceux-là avec les désirs et talents de ceux qu’ils filment. En somme, très simplement : du collectif au sens fort. Bien que le collectif n’ait rien de simple, bien sûr. Et peut-être est-ce cela, la piste pas du tout magique en tant que telle que j’ai l’impression de ressentir dans cette collusion entre les trois films dont je parle ici : qu’il ne s’agit pas de compter sur le grand artiste, la grande œuvre, la grande idée, le grand geste d’un : mais au contraire de prendre au sérieux l’indistinction dans la multitude. Réponse insatisfaisante c’est certain, à tous points de vue, mais tout de même quelque chose d’une piste. Non plus « le grand magicien, le seul et l’unique, le roi » mais - Un parmi d’autres. Qui fait ce qu’il peut parmi d’autres qui essaient également et essaient aussi (surtout, sans doute) ensemble. Ce n’est pas Coppola, pas Bertolucci non plus. Le film est beaucoup moins totalisant et aussi beaucoup moins séduisant, et il y a en a beaucoup d’autres en son genre. Mais il est une expérience collective, qui ne prétend pas sauver le monde mais bataille et nous emmène dans la bataille. Est-ce que c’est la bonne ? je ne sais pas. Elle-ce qu’elle suffit ? certainement pas. Est-ce qu’elle aide à vivre ? Peut-être. Elle donne des forces en tout cas, à tout le moins ; elle fait penser, et engrange parfois quelques victoires fragiles.
Renoncer à la magie, certes pas ; pour ma part je serai la dernière à choisir une certaine position « contemporaine » de distance ironique, blasée ou mortifère, au geste volontairement et par définition évidé (de désir, de croyance, d’une aspiration à la vie, en somme). De quoi s’agit-il sinon de retrouver un chemin pour croire à quelque chose (et pas seulement y croire, mais en faire acte, en produire effet) ? Mais peut-être la magie d’un seul a-t-elle fait son temps. Et peut-être y a-t-il là quelque chose de neuf et, pourquoi pas, très beau et salvateur à y trouver.