Il est paru hier sur Médiapart cet article. Il est signé de Rachida El Azzouzi. J'y étais entrée, connement, par la voie des commentaires de "contacts". Allant ensuite jusqu'à (une fois n'est pas coutume) oublier de le lire. Et comme il y a sans doute un bon Dieu pour le lecteur fautif et pénitent, j'y suis retournée par "hasard" ce matin.
http://www.mediapart.fr/journal/france/170815/les-dames-pipi-de-la-ville-de-paris-la-rue?page_article=1
Il y a longtemps que Rachida nous a habitué à ce qui se fait de mieux dans un genre que pourtant je décrie, le "reportage". Mais là - est-ce exception qui confirme la règle - Rachida se surpasse, parvenant à raccrocher le sort d'une poignée de femmes à celui qui nous guette à peu près tous. Le troisième plan de sauvetage de la Grèce se prolonge (ou plutôt se profile) sous un biais inattendu ici. Et c'est à Paris. Le sanitbroyeur qui attend notre monde avec sa gueule ouverte et son dentier acéré...
Le plus beau de cet article, c'est l'engagement de la journaliste et la nature de cet engagement. Au plus près de son sujet, des "ses" sujets, ici en l'occurrence des êtres de chair, des femmes, intelligentes et sensibles, des femmes flouées et humiliées, dont on se déleste comme d'un... papier cul.
Cet engagement est assorti d'un grand talent : celui de montrer et de rendre palpable, par de menus détails, d'infimes notations, le vivant, le vibrant, la peur et la colère. Ses photographies (des portraits posés des intéressées) sont superbes et s'accordent au texte, au récit de parcours de vie. Cela suffirait-il ? Non. Mais ici, le sort des "personnages" est éclairé (et c'est là ce qui est fortiche) par l'exposé rigoureux des "positions" des camps en présence : celles, respectives, de quelques femmes, et celle d'une méga-entreprise néerlandaise, spécialisée dans le "marché mondialisé de la propreté" (oui, ça fait froid dans le dos et ça fait remonter à la surface quelques remugles un poil sinistres)... Entreprise qui n'a même pas la pudeur (ou l'adresse ?) de taire ses mobiles et considérations.
Si vous ne devez lire qu'un seul article cette semaine, lisez au moins celui-ci. Du journalisme exemplaire, c'est assez rare. Et tomber dessus ça requinque le moral. Un peu.
Merci à Rachida El Azzouzi.
Image : l'un des portraits/photos de Rachida El Azzouzi/ Françoise, 45 ans, 17 ans d'ancienneté, trois enfants qu'elle élève seule. Á admirer dans l'article.