Ce sera peut-être, au train où vont les choses, un livre exceptionnel : un "Best seller" ? Ou bien un canular barbare ? Et, comme je ne prise pas les tintamarres ni les coups médiatico-éditoriaux, je n'en sais rien encore.. Je tiens à rester sous le choc de ce livre, de son "style", de son parti pris d'écriture aussi..
On nous serine que ses "tirages" sont "épuisés" : c'est fatiguant... Lassant au plus haut point, décourageant. Merde ! De quoi sont-ils fait ? Sont-ils capables ? Où sont donc le "papier-bible", l'imprimerie et la librairie ?
J'apprends même que P.O.L. l'aurait refusé. Tant pis pour lui, P.O.L !
Pourtant, P.O.L. n'en sera pas coupable, jamais. La règle est - et restera à tout jamais - celle, peu grave, de l'"erreur commerciale". Car il n'est plus d'erreur que "commerciale" : c'est joy ! Et, du coup, c'est largement excusable.
Mais, si c'est vrai (cette histoire et son parcours éditorial), un éditeur sera passé à côté de ceci, par "erreur commerciale" :
Les nouveaux holocaustes, silencieux, tapis et sans tapages, vont pouvoir se dérouler sans peine (mais avec des douleurs infinies, dans l'indifférence générale) sous nos milliards d'yeux myopes.
Le sage n'a que 22 ans. Il montre pourtant du doigt, sans le dire ouvertement, ces "holocaustes d'aujourd'hui" pour désigner des lunes hélas fécondes. Mais l'imbécile attardé regarde encore le doigt : un Dieudonné ou un BHL, (etc.) et "fixette" assez gavissimement sur les holocaustes de jadis, pourtant si bien balisés... Sans apercevoir ceux du présent, ceux qui menacent, qui menacent vraiment et si méchamment.
Que ce livre - que ce brûlot - montre des cinquante doigts de sa main baladeuse, et de son sexe incertain et si douloureux, ce livre si profondément intelligent et sensible, si aisément intelligible pourtant. Et en un sens "alertant".
Les Holocaustes d'aujourd'hui ont commencé il y a 30 ans avec ces gamins de l'engeance du narrateur. Ils ont commencé en catimini. En fraude, sous marinement... Son livre en transpire jusqu'à la nausée. Il est beau. En long, en large et, bien évidemment, en travers.
Les nouveaux holocaustes, sont là, sous nos milliards d'yeux myopes. Edouard Louis ne le dit pas et n'a pas à le dire. Aucunement. Mais moi, lectrice de son livre, oui, je le dis ainsi.
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Sur un blog qui, ici même, évoquait ce livre, tandis que j'en terminais la lecture, j'ai répondu ceci :
27/01/2014, 22:13 | Par Martine C.
Bonsoir,
Je viens de terminer la lecture de ce livre (entreprise ce matin-même).
Vous écrivez : "On ne fuit pas impunément la classe pauvre pour celle des « bourgeois ». C’est le prix à payer."
Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet, car le livre ne dit pas cela mais tout autre chose... Au contraire, puisque la "punition" eût été d'y rester... Et que le salut qui semble s'ouvrir pour le jeune narrateur réside dans le fait-même d'y échapper : Fuir, qu'il répète inlassablement, à tout bout de champs gluant, à tout bout de hangar honteux, à tout bout de collège mortifère dans les 30 dernières pages de ce "brûlot"...
Je ne suis pas d'accord non plus quant à votre jugement sur le "style".
Le style (ou ce que l'on appelle tel) c'est, bien sûr, très important, je vous le concède. Mais, ici, le "style" est parfaitement et totalement ad hoc, pleinement maîtrisé : pas un faute, ni de "goût" ni même - et surtout pas - de "musique", probablement le seule possible et nécessaire. Rien qui n'entrave la lecture ni la bonne et juste compréhension... En outre, cet auteur - qui s'identifie pleinement au narrateur (ou le simule ?) l'exprime fort bien : il est dans un extrême contrôle. Donc a fortiori, supposerons-nous, dans celui - aussi - de l'écriture... Surtout avec Normal' Sup' !
Un livre subtil, âpre et très dur (sans pardon ?) d'un malin et excellent auteur... que l'on remerciera au passage pour sa si limpide et radicale rébellion, celle qui ne s'adresse pas aux affects de surface mais à l'intelligence de tous. Et pour ouvrir cette "porte étroite" sur ses peut-être propres abîmes - qui en rejoignent tant d'autres... Fiction pure ? Autofiction ou témoignage ? Certes, on aimerait le savoir. Quoi qu'il en soit, il reste ce livre, à prendre texto, au pied de sa lettre et sans ambages.
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En finir avec Eddy Bellegueule/Edouard Louis - Seuil.Roman.
En 2013 / Pierre Bourdieu : L'insoumission en héritage/Presses Universitaires de France.