Cher Monsieur Monnier Alain,
Dois-je vous remercier aujourdhui ? Tandis que je referme votre dernier Parpot « Á votre santé Monsieur Parpot » de chez Flammarion ?
Oui. Car il serait grand temps de le faire même vingt ans en arrière. Fût-ce pour le salut de la littérature...
Á vrai dire ça remonte à loin puisque c’était en 1994 : une paye !
Vous m’aviez alors "offert" inopinément, sans me chercher querelle et par pur hasard votre premier roman : ce rendez-vous d’exception avec un certain Barthélémy Parpot. Dieu que ce livre était beau et malin ! Je m'en souviens encore quand Alzheimer me guette...
C’était un étrange roman. Etrange pour qui n’est plus habitué à certaines formes... Un roman exclusivement épistolaire, fait de rien d’autre que de lettres échangées. Choderlos de Laclos pourrait vous envier. Un roman composé et nourri par ce qu’il conviendrait d’appeler un graphomane. Un graphomane empêché de tout autre chose… Semblable à tant d’autres voix qui se taisent.
Là, dans le premier Parpot, c’était ça. Et une sorte de polar, si vous voulez bien admettre ce terme, qui, pour n’être que « ça » (et donc tout ça !), m’avait d’emblée et totalement conquise.
Brillant.
Captive que dès lors je fus, j’ai lu tous vos autres romans, sans exception aucune je crois (*)… Là aussi vous m'en avez "bouché un coin".
Mais votre ami Parpot – qui est devenu mien au fil de si longtemps - qui, trop seul pour oser parler peut-être, ne s’exprime que par courrier/missive/lettre manuscrite, certaines pas loin du harcèlement (par lettre oblitérée de Madame La si misérable Poste) voilà qu’il nous revient malade gravement. Comme si le sort qui fut et reste sien ne suffisait pas, le voilà – vingt ans après, frappé par le cancer. Et cet incommensurable généreux Parpot se débrouille pour que ça finisse bien ! Non sans nous avoir tout dit sur la chose qui l'occupe.
Il écrit ici à une (obscure ou claire ?) chercheuse en cancérologie, parfaitement inconnue de lui, mais c'est irrésistible. Il lui écrit avec l’obstination d’un candide et l’espoir désespéré d’un bienveillant : d'un gentil. D’un candide qui prend tout au pied de la lettre sans rien calculer. Et ça finit par le faire… Bienheureux et si savant Parpot !
1 - EXTRAIT « Cher moi-même, (De Barthélémy Parpot à Barthélémy Parpot)
Je sais que tu ne te sens pas très bien mais parfois il faut se parler des choses graves dont on n’a pas envie. Je ne suis pas sûr que ma lettre va te faire plaisir quand je vais la lire mais je dois l’écrire pour nettoyer les toiles d’araignée qui sont dans ma tête. En fait j’ai compris que dans la vie il vient toujours un jour où l’on est obligé de se dire qu’il est trop tard, qu’on ne peut plus rien changer »…
2 – EXTRAIT
« Très chère Anna K de toutes mes pensées,
Je suis rentré chez moi qui est une seule pièce triste et pleine de solitude. Avant j’y faisais moins attention parce que c’était comme ça depuis tout le temps. Mais avec le cancer, l’hôpital est un endroit très vivant malgré ce qu’on pense, et mes amis du groupe de parole, et ce voyage à Venise où j’ai connu des personnes sympathiques, je me rends compte que la solitude est aussi grave que le cancer même si on n’en meurt pas ou alors à petit feu comme feu mon estomac. »
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Cher Monsieur Monnier Alain, je ne sais pas pourquoi, mais j’aimerais, s’il vous plaît, que Barthélémy Parpot me survive bien que cancéreux et moi pas… Qu’il me survive très loin, moi qui (si j’en crois votre fiche Wiki !) ai le même âge que vous… Ouille !
Gardez le bien, gardons-le bien ce si beau Parpot ! Gardons-le pour vous et moi ce si merveilleux personnage qui a l’audace, le formidable culot innocent, d'oser s’exprimer alors qu’il est quasi illettré, et qui a l’audace incertaine et précaire, de ne le faire qu’en écrivant… et jamais autrement ! Un très-trésor en somme.
Voilà une prouesse qui vous revient de plein droit et, si j’ose dire, de plain-pied ! Á vous uniquement Monsieur Monnier.
Mille mercis pour tous vos autres livres sans aucune exception. Et les Parpot, les PARPOT ! Vive le quatrième er merci encore.
Pour toutes ses lettres obstinées, Barthélémy Parpot mériterait bien au moins un prix Goncours. Mais nous savons vous et moi que la chance lui est adverse et que, peut-être, il s'en moque... Mais jusqu'à quand ?
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Les livres d’Alain Monnier, dans l’ordre chronologique la série des Parpot :
- Signé Parpot/Editions Climats 1994
- Un amour de Parpot
- Parpot le bienheureux
- Á votre santé Monsieur Parpot
Mais entre temps, plein d’autres superbes livres, tous :
- Côté jardin, Castelneau-le-Lez, Éditions Climats, 1998 (ISBN 2-84158-090-3) ; réédition, Paris, Pocket, coll. « Nouvelles voix » no 11024, 2002 (ISBN 2-266-10361-X)
- Les Ombres d’Hannah, Castelneau-le-Lez, Éditions Climats, 1999 (ISBN 2-84158-129-2) ; réédition, Paris, Flammarion, 2006 (ISBN 2-08-210577-6) ; réédition, Paris, Pocket no 10949, 2002 (ISBN 2-266-10142-0)
- Survivance : les Fargier, 1890 – 2060, Castelneau-le-Lez, Éditions Climats, 2002 (ISBN 2-84158-209-4)
- Givrée, Paris, Flammarion, 2006 (ISBN 2-08-210556-3) ; réédition, Paris, J'ai lu no 9088, 2009 (ISBN 978-2-290-00156-1)
- Notre seconde vie, Flammarion, 2007 (ISBN 978-2-08-120504-8)
- Je vous raconterai, Flammarion, 2009 (ISBN 978-2-08-122862-7)
- Place de la Trinité, Paris, Flammarion, 2011 (ISBN 978-2-08-127140-1)
- Tout va pour le mieux !, Paris, Flammarion, coll. « Étonnants classiques. Étonnantissime : lycée », 2012 Rivesaltes, un camp en France, Flaujac-Poujois, La Louve éditions, coll. « Terre de mémoire » no 8, 2008 (ISBN 978-2-916488-18-9)
- L’Insoluble Problème de la présence sur terre, Castelneau-le-Lez, Éditions Climats, 2000 (ISBN 2-84158-157-8)
(ISBN 978-2-0812-7212-5)
De cet auteur éclectique et toujours juste, tout est à prendre !