C'était méga gros, giga énorme ! Á mille et unes encablures de la sardine du port de Marseille.
Tout avait pourtant bien commencé, le dispositif était bien en place : l'invité était là, installé, et déjà cerné par les tueurs aux aguets, la composition du staff assigné au guet-apens parfaitement définie. Com’ d’hab et un peu plus que com’ d’hab’.
Un certain temps de parole passé, vint le tour du boulanger. C'était ce bel homme afro que j'avais vu un mois auparavant remporter le prix de la meilleur baguette de Paris dans un reportage TV comme ils en font tant consacrés à ce sujet : la bouffe, le pain, le bon pain français. Bien ! Ce prix, il l'avait remporté à plusieurs reprises et - du coup - était devenu le fournisseur officiel de l'Élysée. Sous Sarkozy, puis sous Hollande ensuite, et sa baguette n'ayant pas faibli d’un épi entre les deux tours de manège.
Là où j'ai commencé à tiquer, c'est lorsque je l'entendis raconter qu'il ne savait pas comment licencier car sa boutique battait de l'aile, (pourquoi on ne l'a pas compris) car - merdàlafin - il lui était interdit de li-cen-cier ! Pas crédible le beau gosse, pour le coup. On se dit alors que ce pétrisseur génial et acharné était bien meilleur en baguette qu'en chef d'entreprise et qu'il lui suffisait de frapper à la porte de son syndicat patronal pour savoir immédiatement comment se tirer de si mauvais pas. Soit ! L'invité sur le plateau, désarçonné par ce martien impénétrable, s'échina (un comble) à lui expliquer que oui, y'avait pas plus fastoche que de licencier ! Rien n’y fit. Si bien que l’on ne savait pas si le martien désirait licencier pour embaucher ou embaucher pour licencier.
L'affaire allait-elle en rester là ? Que nenni. L'apothéose grandiose nous vint en la personne d'un… robot de parole. Parole torrentueuse, sans virgule ni point-virgule, sans points de suspension ni d’interrogation qui, n’était la blondeur de blé de la dame céréalière, paraissait sortir des bronches d’un robot japonisant, comme les affectionne justement Bernard Langlet, l’un des journalistes du staff. Mais non. C’était une vraie agricultrice, venue avec ses problèmes insurmontables de notre vrai terroir quoi ! Intarissablement monocorde, elle a dit à quel point l’invité de ce plateau ne comprenait rien à l’agriculture. Ni à l’agriculture ni aux agriculteurs. Il avait beau lui répondre agriculture paysanne ou raisonnée lorsqu’il parvenait à en placer une, elle semblait fâchée contre lui sans espoir de retour : sans espoir de dialogue. Mais, impitoyablement, sans déroger à ce ton de moissonneuse-batteuse : une phallique redoutable.
Sidérée par le peu de ressemblance du premier avec les milliers de compagnons de la boulange et de la deuxième avec la petite masse qui subsiste des paysans français qui tentent de nous produire de bonne choses tout en préservant les sols, j’étais restée interdite par ce reality show. Plus que perplexe et flairant le coup foireux, jusqu’à ce que – teigne que je suis – j’en vienne, quelques jours après seulement, à me renseigner.
Ouille ! Voici. Je vous le livre tout cru comme la baguette croustillante du fringant boulanger :
?
Le boulanger de Sarkozy et Hollande
Parlons d’abord du boulanger, Djibril Bodian. Selon le magazine VSD, dans un article intitulé « DPDA : les Français choisis pour débattre avec Mélenchon posent problème », voici qui il est : « Djibril Bodian est le patron d’une entreprise d’une vingtaine de salariés. Lauréat de la meilleure baguette de la ville de Paris en 2010 et 2015, il fournit l’Élysée en pain tous les matins des années 2010 et 2015. Il a donc été le boulanger de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ».
Difficile de le considérer comme le « profil type » d’un boulanger alors que la plupart d’entre eux gèrent des entreprises de très petite dimension : 77% des boulangeries comptent entre 1 et 5 salariés. À l’inverse, les entreprises de boulangerie de 20 salariés sont parmis les… 1% les plus grosses !
L’agricultrice de Bolloré et ses 210 terrains de football
Pas mieux pour l’agricultrice… qui est peut-être plus caricaturale encore que le boulanger de l’Élysée. En effet, selon un article de La Dépêche, Céline Imart a été : « deux ans directrice financière pour Bolloré au Chili, puis retour à Paris pour intégrer l’un des plus gros cabinets d’expertise de la capitale ». Pas franchement l’agricultrice lambda, n’est-ce pas ?
Ajoutons une chose. Céline Imart s’est défendu, au cours de l’émission, d’être membre de la FNSEA. Or son syndicat, les Jeunes Agriculteurs, présente des listes communes avec la FNSEA à chaque élection des chambres d’agriculture et est adhérent en tant que syndicat à la FNSEA. Difficile de faire plus lié !
Mais ce n’est pas tout, car l’article de La Dépêche précise également que Céline Imart gère une exploitation céréalière de 150 hectares soit l’équivalent de… 210 terrains de football ! Cela la place selon l’Insee dans les 10% d’exploitations les plus grosses. Sachez, au passage, que les 19% d’exploitations de plus de 100 hectares (les gros) détiennent à elles seules 58,3% de l’ensemble de la surface agricole, tandis que 61% des exploitations de moins de 50 ha (les petits) détiennent seulement 15,7% de la surface agricole. La lutte des classes traverse aussi le monde agricole. Autant dire qu’il est normal que Jean-Luc Mélenchon, qui défend une sortie du modèle productiviste et la valorisation d’une agriculture paysanne, ne soit pas du goût de Céline Imart…
Est-il possible d’imaginer plus caricaturale manipulation pour piéger en direct un homme politique, pourtant élu de la République (qui plus est candidat à la Présidentielle), de manière aussi caricaturalement malhonnête ? Est-ce acceptable non seulement d’un média public mais de tout media quel qu’il soit ?
Se risqueront-ils à ce type de manigance à grosse ficelle avec Alain Juppé, prévu pour une nouvelle formule ? Gageons qu’il y aura sûrement, là, deux poids deux mesures…
Qui va oser saisir les autorités compétentes, comme tout démocrate y serait fondé, de cette affaire à ne pas laisser passer ???
Certes, nous savons bien, par ailleurs, que :
9 milliardaires possèdent
- tous les quotidiens sauf l’Humanité et La Croix
- Tous les grands hebdos sauf Marianne, L’Huma dimanche et Politis
- Toues les chaînes d’information en continu et les autres grandes chaînes privées de « divertissement ».
Mais que des chaînes publiques, ici encore plus vicieuses que celles aux mains des milliardaires, se livrent à de telles manœuvres dépasse la limite du supportable. Nous voulons vraiment savoir Comment, par qui, sur quels critères et à quelles fins les deux invités du plateau Des paroles et des actes de jeudi 26 mai ont été choisis ?