Coluche en 1980, notre regretté comique national, disait « Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.
Je ne vois pas en quoi c'est une crise.
Depuis que je suis petit, c'est comme ça. ».
Comme il avait raison.
« En France, on est dans la merde, affirmait-il, en 1981.
Il y a une pyramide sociale. Il y a un mec qui est là, tout seul.
Plus on descend, plus on est nombreux.
Quand on arrive en bas, on est vraiment dans la merde.
C'est ce que je voudrais qu'on remue, la merde, et que l'odeur revienne au nez de ceux qui nous dirigent, qu'au lieu d'être tournés vers l'extérieur du pays, ils soient tournés un peu vers l'intérieur, et qu'ils se disent : " Qu'est-ce qui se passe ? "»
« Vos parents sont des cons : refusez l'hérédité » et son fameux appel aux « fainéants, crasseux, alcooliques, pédés, femmes, parasites... Tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques », relayés dans Hara-Kiri et Charlie Hebdo, lui apporteront plus de 16 % d'intentions de vote.
Des chiffres qui inquiètent alors la classe politique.
Christian Bonnet, le ministre de l'Intérieur, le fait placer sous surveillance par le « groupe de direction » des Renseignements généraux.
Son dossier no 817706 ne sera refermé qu'à sa mort.
Entre-temps, Coluche aura reçu des douilles et des menaces de mort signées « Honneur de la police », un commando qui avait revendiqué, quelques mois plutôt, l'assassinat de Pierre Goldman, le frère de Jean-Jacques, qui signera, en 1985, l'hymne des Restos du cœur.
Le leader du PCF, Georges Marchais, affolé par l'ampleur du phénomène « Coluche, président », fait disparaître les sondages des comités politiques.
Et même François Mitterrand confie que, malgré la sympathie qu'il lui inspire, ses 16 % risquent de lui faire perdre cette élection historique.
Sur l'antenne d'Europe 1, dont il avait été débarqué en juin 1979 parce qu'il ridiculisait quotidiennement Valéry Giscard d'Estaing, empêtré dans l'affaire des diamants de Bokassa, et dont il booste l'audience, depuis juillet 1985, avec sa nouvelle émission, « Y en aura pour tout le monde », celui qui n'a jamais oublié son enfance difficile lance une petite idée qui, presque 40 ans plus tard, n'en finit plus de faire son chemin : « S'il y a des gens qui sont intéressés pour sponsorer une cantine gratuite. [...] Nous, on est prêt à aider une entreprise comme ça, qui ferait un resto par exemple qui aurait comme ambition de faire 2 000, 3 000 couverts par jour, gratuitement.
Alors, tous ceux qui sont intéressés, [...] qui voudraient nous contacter pour ça, on est prêt à recevoir les dons, de toute la France d'ailleurs... »
Cette idée « provisoire », comme il la qualifiait, est désormais pérenne.
Hélas... Et tant mieux.
Elle a servi la saison dernière plus de 130 millions de repas.
C'était juste 1 million il y a trente ans.
Ce qu'il disait était si vrai que, 40 ans plus tard, ça fonctionne encore !
« La droite vend des promesses et ne les tient pas... La gauche vend de l'espoir et le brise. »
« Le Conseil des sinistres, c'est le mercredi, le jour des gosses. Ils vont au sable, ils font des pâtés, c'est sympa. Le garde des Seaux est là. »
« Rappelez-vous toujours que, si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. »
« Dans les manifs, rien ne sert de partir à point, il faut courir. »
« S'il faut ressembler à Le Pen pour être français, moi, j'arrête. »
« Maintenant, on peut aller de scandale en scandale dans la politique, dans la finance, et ça gêne personne.
C'est le principe de l'information à l'américaine : on dit vraiment tout, mais les gens s'en foutent. »
« Dieu a dit : "Il faut partager, les riches auront la nourriture, les pauvres, de l'appétit." »
« La droite a gagné les élections. La gauche a gagné les élections. Quand est-ce que ce sera la France qui gagnera les élections ? »
« Certains commencent à l'extrême gauche et finissent à l'extrême droite. Il paraît que c'est un chemin qu'on fait avec l'âge : j'espère mourir avant. »
« Je suis pas raciste. Les Blancs, les Français, les Noirs, les juifs…… Hein, non... Pas les juifs. …..Bon, alors, à part les juifs, tous les autres sont égaux…… Oui, les Arabes plus que les autres…… Devant Dieu, tous les hommes sont frères……… Les dieux entre eux, ils sont frères, non ? Ils mangent à la même cantine... »
Ou : « Il paraît que la presse a tué un ministre. Par rapport à ceux qu'elle fait vivre, c'est pas très grave », à propos du « suicide » du ministre du Travail Robert Boulin, en 1979.
Ses détracteurs, tous ceux, de droite, de gauche et d'ailleurs, qui le trouvaient vulgaire se rassembleront en une union sacrée autour de sa dépouille, pour honorer l'« impertinence » et le « grand cœur ».
40 ans plus tard, s'amuserait-il de voir que la pyramide ne s'est toujours pas inversée ?
« La mort... Si on est touché soi-même, on a intérêt à en rire ; et, si on n'est pas touché, on n'a pas de raison de ne pas en rire.
J'ai mis dans une enveloppe ce que je mettrai sur mon épitaphe en partant. C'est :
"Démerdez-vous !"»