
Petite précision : spectacle vu au Studio-Théâtre de Vitry.
Pour ceux qui ne connaissent pas Daniel Jeanneteau, il suffit de dire que c'est un extraordinaire scénographe qui met en scène d'une façon très particulière ce texte de Maeterlinck: dans une obscurité neigeuse, grisâtre, une brume de marais. Les spectateurs, presque malgré eux, pénètrent dans la salle, les bras un peu tendus, le pied vacillant, pour s'approcher, s'accrocher à une chaise et s'asseoir, vite.
On s'habitue peu à peu à ce flou un peu déstabilisant , au point de l'accentuer , de fermer les yeux, ou pour les binoclards dont je suis d'enlever ces lunettes devenues inutiles, car il faut tendre l'oreille, d'abord aux sons (le spectacle est co-produit par l'Ircam), cornes de brumes, bruissements d'ailes, battements de portes ou de volets qui claquent, cris d'oiseaux, on a presque l'impression d'être frôlés par ...quoi? qui?

Et puis, les voix. Celles de ces aveugles perdus quelque part, sur une île, abandonnés par leur guide, le vieux prêtre qui aurait dû les reconduire jusqu'à leur foyer, là où ils se sentent en sécurité, là où ils ont leurs marques. Plaintives, colèreuses, grincheuses, affollées, les voix des hommes et des femmes de ce petit groupe hétérogène, femmes et hommes, jeunes et vieux, fous ou raisonnables, et même le sourd et un nouveau-né.
On aimerait dire que c'est admirable et ça l'est presque mais les comédiens et comédiennes ne sont pas tous au même niveau et si l'on comprend bien la volonté de mêler des comédiens amateurs à d'autres plus confirmés, c'est parfois trop imprécis.
Mais après tout, cette imprécision fait partie du spectacle, de cette angoisse de mort et de cette envie de vivre quand on est comme nous tous perdus dans un monde que l'on ne comprendra jamais.
Photos : Michel Jacquelin.