C'est très agréable d'aller au Monfort et d'autant plus quand il fait beau puisqu'on peut boire un verre voire dîner au jardin La programmation de la saison passée a été intéressante, la prochaine sera annoncée le 4 juin à partir de 19 heures...au jardin (si le temps le permet).
Pour l'instant, on peut y voir deux spectacles, L'Art de la fugue et Je suis une personne. Le premier se joue sur la musique de Bach, avec deux danseurs-circassiens, un homme (Yoann Bourgeois) et une femme Marie Fonte) qui s'attaquent littéralement au décor qui le leur rend bien.

Au départ, ce n'est qu'un bloc blanc, une matière, un cube qui peu à peu va dégringoler sous nos yeux sous les coups destructeurs du couple, se transformant au fur et à mesure en piste d'acrobaties, de trampoline, de danse même.
On pourrait aussi dire en terrain de jeux, un jeu de rôle à deux, cache-cache, glissades, pertes d'équilibres, chutes, le tout admirablement contrôlé et toujours beau.

Parfois, on assiste à une dispute, une lutte, une revanche, parfois à une tentative possible de séduction, parfois encore à un abandon confiant, à une surprise. On y découvre des rapports de couple, on y découvre aussi un rapport à la matière. On y découvre ce qu'on y voit....

Si le spectacle est annoncé comme "cirque", il s'agit surtout d'un travail sur le mouvement, l'ombre et la lumière, la gestuelle, très chorégraphique, un art de la fugue, bien sûr.
On en vient donc à la musique, à Bach, à la pianiste (Célimène Daudet) sur scène, à la fois discrète (seul le visage est illuminé) et présente. Sans coller totalement aux mouvements des danseurs, ce qui serait trop évident pour cet exercice qui semble s’égrener au fur et à mesure, la musique crée un espace temps, une troisième dimension.

Pour aller voir Je suis une personne de la compagnie Ktha, il suffit de s'arrêter au bord de la rue, avant d'enfiler l'allée qui mène au Monfort, c'est là que se trouvent deux containers superposés, transformés en petites salles de spectacle qui ne communiquent que pour la comédienne (Camille Voitellier).
Autrement dit, on choisit si on veut aller s'installer en haut ou en bas, la comédienne passe d'une salle à l'autre par un espace assez étroit en grimpant contre les parois et en redescendant à la force des bras. Et par conséquent, selon que l'on a choisi le haut ou le bas, on ne voit pas la même chose.
La vidéo permet toutefois de se tenir au courant. De minuscule caméras et des projecteurs suivent la comédienne, en insérant parfois ou en superposant d'autres images qui font surgir de l'inattendu.
La proximité du public (des publics) avec l'interprète permet à celle-ci de regarder les spectateurs dans les yeux, parfois de les tutoyer, en gardant un sourire parfois charmant et communicatif mais qui peut aussi sembler plaqué, de circonstance, sans joie, obligatoire. Forcément déconcertant. La proximité devient alors distance.

Le texte, composé de fragments, se fonde sur l’emprisonnement, l'enfermement la fugue, l'échappée belle, la cavale. On peut y voir une référence à la prison ou comme dans des faits-divers qui ont donné lieu à des livres et des films, à une prison "privée", imposée à un enfant, une jeune femme, par un individu. Voire à d'autres expériences théâtrales, emmenant par exemple les spectateurs dans des camions vers une immigration supposée ou un voyage un peu particulier.
Mais le spectateur est enfermé (on entend le bruit des barres de fermeture) plus même que celle qui parle de sa prison. Il peut faire chaud, une fois le climatiseur éteint, et cela ne fait qu'accroître le vague malaise. Elle a des échappatoires, peut sortir , revenir et pas seulement passer d'un container à l'autre. Le spectateur est coincé.
Il doit aussi faire une sorte d'effort pour garder le fil de ce qui lui échappe quand tout n'est pas restitué par l'image vidéo. Se regarder ou pas les uns les autres, s'observer, se sourire. Attendre.
Mais la performance acrobatique, les apparitions et disparitions de l'interprète permettent d'échapper à cette vague claustrophobie et d'admirer, de s'amuser, de s'intéresser...
Les deux spectacles ayant lieu presque à la même heure, on ne pourra pas les voir à la suite l'un de l'autre. Ne pas hésiter donc à revenir deux fois, voire trois si on veut changer d'espace de container.
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Photos Art de La Fugue: Maxime Dos.