On le sait, ce n'est pas du cirque même si les enfants ont les yeux qui scintillent. C'est un univers à part, un songe théâtral, une autre façon de danser la vie et la mort, une façon de quitter le monde et d'y revenir, un voyage en poésie.
Entrer au théâtre Zingaro, être prévenu que "toute sortie sera définitive" (tandis qu'on vous indique les toilettes), pénétrer la grande salle du restaurant ornée des éléments de décor des spectacles précédents, faire la queue au bar, passer par la librairie, et enfin être appelé par son numéro de série. Traverser la cour en musique, passer d'un pas lent au-dessus des écuries, trouver sa place, s'asseoir enfin, frémissant d'expectative.
Alors, dans la pénombre, entrent les chevaux qui restent un moment seuls en scène. Tout est calme jusqu'à ce que descende du ciel une avalanche d'anges aux longues ailes et que chacun enfourche l'un des chevaux argentins, à cru, avec une précision forcément diabolique.
Les tableaux vont s'enchaîner avec de courts intermèdes musicaux menés par des clowns bouchers et un charcutier qui pousse son étal façon marchand de glaces et propose du "hallal, casher, bio ou Dieu sait quoi..."
Alors on retient son souffle.
On le sait, ce n'est pas du cirque même si les enfants ont les yeux qui scintillent. C'est un univers à part, un songe théâtral, une autre façon de danser la vie et la mort, une façon de quitter le monde et d'y revenir, un voyage en poésie.
Mais l'ambiance est sombre même si quelques épisodes feront rire ou sourire. La pénombre est presque constante, les lumières apportant de la couleur, révélant des détails, des moments.
Les anges sont fatigués même si hommes et bêtes bouillonnent d'énergie.
Les anges écuyers, les squelettes, les silhouettes en burkas forment un ballet étrange, mélancolique , des dindons se mêlent aux chevaux pour une cérémonie funèbre , un cheval sur le dos dresse ses pattes vers le ciel en imploration à un dieu inexistant, disparu ou définitivement sourd...
Mais c'est aussi le retour au sein de la troupe de Bartabas en personne accompagné par les ballades de Tom Waits, voix éraillée, traînante, et si juste. Cette rencontre musicale est un des grands bonheurs du spectacle, un jumelage parfait.
Notre maître écuyer se transforme en ivrogne, en aveugle errant dans une sorte de cimetière lunaire, en pauvre rhumatisant, homme ou ange déchu, parfois drôle mais aussi terriblement touchant.
Et tout s'achèvera en beauté ou en apocalypse, les anges auréolés de mousse rejoindront le ciel ou l'au-delà.
Photos Hugo Marty
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