
Quand on a déjà vu Ma Chambre froide de Joël Pommerat, à L'Odéon Berthier, et découvert les marrionnettes du Puppentheater Halle avec les Budenbrooks (lors de la biennale de la Marionnette à Paris, au Théâtre de la Cité internationale) , on ne résiste pas à l'envie d'aller voir Meine Kältekammer au Théâtre Paris-Villette puisque le spectacle conjugue les deux.
Ces deux chambres froides sont issues d'un vrai travail de collaboration entre la compagnie Louis Brouillard de Joël Pommerat et la troupe du Puppenthater Halle. Cette coopération a été conduite pendant trois années avant d'aboutir à la création non pas d'un mais de ces deux spectacles.

Il est un peu difficile au départ d'oublier l'éblouissement de la mise en scène, du travail des lumières, de la disposition scénique du spectacle de Pommerat. Ici, la mise en scène est forcément sommaire, les lumières rudimentaires et hélas les sous-titres bourrés de fautes d'orthographe, voire de français.
Mais peu à peu, le miracle se produit, on redécouvre la pièce, le texte et cette nouvelle interprétation prend toute sa place avec un sentiment d'étrangeté qui va en augmentant jusqu'à devenir même parfois dérangeant.

Le travail du Puppentheater Halle repose sur une troupe de manipulateurs qui sont aussi d'excellents comédiens ce qui permet une collusion, des interférences, des échanges entre marionnette et marionnettiste étonnants. Et cela est d'autant plus fort ici que les marionnettes, toujours "huperréalistes" ont été conçuesen outre cette fois, à l'effigie de chacune et chacun de ceux qui les manipulent, coiffure et costume compris, le personnage apparaissant ainsi tantôt sous forme de marionnette, tantôt comme comédien. Le fait que chacune des marionnettes mesure 90 cm, soit la taille d'un petit enfant , accentue encore le décalage, l'illusion, le bizarre. Il y a quelque chose d'à la fois impressionnant et d'émouvant. La marionnette semble plus vulnérable, plus touchante que le comédien, mais l'interaction des deux est absolument bouleversant.

Le personnage principal, Estelle (Marie Bretschneider), est la seule à évoluer tout le temps sous sa forme humaine, un peu comme Alice prenant le thé chez le chapelier fou.. C'est elle, la plus étrange, la plus mystérieuse, dans ce petit monde d'employés et d'ouvriers sans histoires, elle dont la personnalité tranche, pose question, elle qui a disparu et dont on parle encore avec plus ou moins de rancoeur. Qui est-elle, qui était-elle? Qu'a-t'elle fait? Est-elle un monstre ou une sainte, ange ou démon?
Pas si simple. Pas simple du tout. C'est qu'il y a beaucoup d'histoires dans cette histoire, beaucoup de questions, quelques réponses peut-être. Et du rêve, de l'imagination, de la folie, de la violence sourde et muette, de la manipulation des êtres, de la lutte des classes, du bien et du mal, des millions de francs et des factures, de l'utopie et du ménage.
Photos: Angela Baumgart.
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La mise en scène de Joël de Pommerat est en tournée, voir ici et celle-ci aussi, voir ici
Et pour mémoire, les Buddenbrooks