Il pleut, il vente, il fait nuit à 5 heures de l'après-midi, de quoi se calfeutrer et rester chez soi, au chaud, au calme, à l'abri.
Et puis, voilà, on part pour Aubervilliers, on entre dans la petite salle, bien sombre, on s'assoit sur les gradins, en rond, autour d'un curieux petit théâtre de forme octogonale, ouvert, et là, une femme se penche sur ce qui semble être une piste lunaire, un cratère d'une autre planète ou d'un autre temps.
La comédienne, Odile Sankara, va nous conduire pendant une heure au coeur des mystères, de la cruauté, de la folie des rois shakespeariens. De la voix et du geste, elle fait apparaître de bizarres petites créatures parlantes ou silencieuses qui exercent sur les spectateurs une étrange fascination. On en oublie parfois le temps de quelques secondes d'écouter le texte pour se perdre dans cet univers déconcertant où les personnages passent littéralement à la trappe. Ce texte est tiré de l'oeuvre de Jan Kott, l'auteur de Shakespeare, notre contemporain (éd. payot)
La voix de la maîtresse du lieu participe au mystère de ces cercles de l'Enfer, elle rugit ou murmure, module les sons des mots comme un chant funèbre vibrant. Elle montre son désenchantement et sa compassion, sa colère, elle prend ses distances, elle s'approche et s'éloigne. Mais l'humour n'est jamais totalement loin, le rire naît de la surprise et de l'étonnement.
Il faudra bien rentrer chez soi, ensuite, un peu désolé d'avoir quitté cet autre monde.
Photos Brigitte Enguérand.
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