Le théâtre de la Girandole à Montreuil est un lieu un peu secret bien qu'ouvert à tous, la salle est toute petite, le plateau aussi, on y offre un thé à la menthe aux spectateurs et les soirs de Première, tous ceux qui le désirent vont dîner ensemble dans un restaurant du quartier avec la troupe et les tenanciers du lieu, Félicie Fabre et Luciano Travaglino. On y va en toute confiance assister à des spectacles comme on en voit nulle part ailleurs, fantaisistes, cocasses, mélancoliques, tendres et drôles et on repart toujours content. (Voir par exemple sur ce blog ici ou ici).

Depuis le 8 mars, on y donne Elena Ceausescu, Carnets Secrets d'après le livre de Patrick Rambaud, grand spécialiste du pastiche et de la parodie politiques, et Francis Spizner. Pas de tendresse, cette fois, pas de mélancolie non plus, mais le portrait atroce et violemment drôle d'une femme de dictateur comme il doit encore en exister de par le monde, bien entendu.
Ce monologue délirant est porté par Félicie Fabre,sous la conduite du metteur en scène Charles Lee. Elle est presque toujours de dos au public mais on n'en perd pas une miette car comme la sorcière de Blanche-Neige, elle parle au miroir de sa coiffeuse et c'est son reflet que nous voyons.

Elle se regarde, se maquille, se prépare, embrasse la photo de son Nicolae, s'exaspère, ironise, accumule les formules , mélange de bêtise absolue et d'extravagance.
Elle se régale d'atrocités, se réjouit de succès innommables, décrit avec délice les fastes du régime, la décoration luxueuse de ses appartements où elle espionne ses invités célèbres, étale avec le même bonheur son mauvais goût, ses chimères, les tortures, les mises à mort d'opposants ou de malheureux.
Sa folie ne l'épargne pas, elle est au centre de toutes ses attentions, compose des poèmes, se pose en chimiste brillante, chante sa gloire et ses louanges, depuis qu'elle a troqué ses sabot pour une réussite internationale, incapable de se voir en objet de risée ou de moqueries, elle est le centre de son monde.
Le spectateur, subjugué, est partagé entre l'horreur et le rire, tout est vrai, faux, inventé.
Photos: Bruno Forêt
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