Le premier spectacle que j'ai vu du metteur en scène Jean Bellorini, c'était Les Misérables d'après Victor Hugo, dans une des "nefs" du théâtre du soleil, puis vint Paroles Gelées d'après Rabelais au TGP de Sainbt-Denis et voci à présent La Bonne Ame du Se-Tchouan que l'on dira aussi d'après Bertolt Brecht, à L'Odéon-Berthier.

Tout se passe dans un pays lointain mais fort proche qui s'appelle la Chine , dans la province du Se-Tchouan.Là viennent à passer un jour des dieux à la recherche d'une bonne âme. Le marchand d'eau, Wang, qui les a reconnus leur cherche un lieu pour y passer la nuit. Partout, il se heurte à des refus. La seule qui acceptera sera la jeune prostituée Shen-Té. Pour la remercier, ils lui laisseront une liasse de billets, de quoi acheter un petit commerce de tabac.
Mais Shen Té ne sait pas dire non à tous ceux minables et miséreux, profiteurs et avaricieux qui veulent profiter de sa très relative soudaine prospérité. Et pour ne rien arranger, elle tombe amoureuse d'un voyou , Yang Sun, sans états d'âme pour arriver à ses fins: partir pour Pékin et y devenir aviateur...

Alors, Shen Tsé, se crée un double, un cousin qui va défendre ses intérêts et doit composer avec ses deux personnalités, sa vraie nature d'"Ange des faubourgs" et ce double masculin, cynique et intraitable, qui s'opposent ( comme Maître Puntila si bon quand il a bu et si mauvais quand il est sobre).
Et tout est là : peut-on survivre autrement que par la violence dans un monde pourri et misérable?

Ce qui caractérise les mises en scène de Jean Bellorini et de sa compagnie Air de Lune, c'est avant tout un fort enthousiasme pour le théâtre et justement pour les textes. Et cet enthousiasme est communicatif.
Par moments, la troupe court sur scène, se démène, entasse des chaises à toute vitesse (et ça passe ou ça casse), puis le mouvement se fige le temps de reprendre du souflle ...en chantant..
Mais à d'autres, c'est toute la vie des faubourgs qui s'anime, avec ses jalousies, ses chamailleries, ses chapardages, ses petites escroqueries et ses mensonges avec la faim ou la perte d'un logement comme excuse.
Puis sous l'influence du cousin, le capitalisme pur et dur prend les rênes, la misère change de face mais pas de camp....
Le décor semble fragile, prêt lui aussi à s'effondrer sous les coups du destin, cabane de bidonville, escalier-issue de secours, trous à rats.
Jean Bellorini nous place à distance de l'action et des personnages et multiplie les approches: beaucoup de musique et de chansons (avec un étonnant pianiste et deux comédiens musiciens), jeux de lumière, du rire, un peu de poésie, de l'émotion et quelques surprises aussi.
Photos: Polo Garat-Odessa
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Jusqu'au 15 décembre.Puis à Valence, Châtenay-Malabry, Compiègne, Toulon, Marseille, Châteauroux, Alès, Lyon, Tremblay-en-France....