On monte peu Platonov de Tchekhov, première pièce de théâtre d'un bouillant jeune homme qui y a déjà mis beaucoup de choses de ce qui allait devenir plus tard ce théâtre si particulier et que l'on aime tellement. Peut-être fallait-il un jeune metteur en scène et de jeunes comédiens pour s'y frotter avec autant d'enthousisame et surtout pour avoir le culot d'en donner la version intégrale (durée: 4h30).
Et c'est indéniablement une belle réussite que certains curieux (ici) avaient déjà pu voir au Théâtre de Vanves lors du festival Ardanthé. Merci donc au Théâtre de l'Odéon d'avoir donné une chance à un public plus large d'en profiter.
La première partie du spectacle, la plus longue, est éblouissante. Pas une seconde d'ennui, tout va vite, mais tout est réglé à la perfection. Des images se gravent pour être presque immédiatement remplacées par d'autres tout aussi fortes, en particulier pendant cette étonnante scène de bal (photo).
La pièce commence par un long monologue, dit de dos, de Platonov qui raconte avec mépris et colère, la mort du père. Le ton donc est lancé.
Pour un fois ces "fils sans père" (lire absolument ce qu'en dit Françoise Morvan co-traductrice comme toujours avec André Markowicz ici) ont l'âge du rôle, alors peu importe si les pères, eux, ne sont peut-être pas assez "vieux".
Car l'un des moteurs de la pièce, ce sont ces jeunes gens, déjà désespérés par leur pères si minables et leur vie si étroite, qu'elle tient presque entièrement dans la maison de la Générale, veuve encore bien jeune, et belle , et femme du monde..
Et si Platonov a l'art de mettre les pieds dans les plats qui y sont servis, les autres ne sont jamais loin pour s'en prendre à la société si provinciale qu'ils fréquentent, si corrompue, si niaise, si dépourvue d'espoir.
Ces jeunes gens en colère s'énivrent d'insultes, d'alccol, de bagarres, de folles dépenses et rien, pas même l'amour ne peut les apaiser au point de commencer à ressembler à ce qui leur fait tant horreur, leurs pères et leur monde.
Pourtant autour d'eux gravitent de magnifiques personnages de femmes, la plupart douces et aimantes ou admirablement fantasque comme la Générale qui a l'âge de leurs pères mais tellement plus proches d'eux et en particulier, bien sûr de Platonov.
Et lui, Platonov, à travers toutes ses frasques, ses trahisons, ses provocations, sa cruauté, reste le plus pur d'entre eux ou du moins le plus vrai.
La dernière partie le montre malade, sans forces, perdu. C'en est fini de lui. La mise en scène dans le décor plus intimiste après l'entracte, perd aussi de sa force, la machine magnifique du début semble moins huilée, les scènes sont plus heurtées et sombrent dans l'éxagération. Mais l'impression qui reste c'est qu'il ne faut surtout pas manquer ce spectacle et on attend avec impatience la reprise au Théâtre des Quartiers d'Ivry d'une saison en enfer d'Arthur Rimbaud par benjamin Porée (ici).
Photos: Benoit Jeannot
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