Christian Benedetti poursuit son projet Tchekhov - monter toutes les pièces dans l'ordre de l'écriture - avec Trois Soeurs (après La Mouette et Oncle Vania, actuellement en tournée).
Les costumes semblent assemblés comme s'ils avaient été tirés d'une malle, un peu au hasard, vaguement russes, vaguement contemporains. Pour toute scènographie, le stricte nécessaire, chaises, bancs, tables, rien ne distrait alors le spectateur qui ne peut que se mobiliser sur le texte et les comédiens...ou s'enfuir.
La diction claire, précise, mais extrêmement rapide se heurte à des respirations, des pauses, figeant les mouvements pendant quelques instants. Le spectateur est absorbé, l'écoute intense et l'absence de paroles ou de gestes lui offre la possibilité de chercher du sens, jamais du repos.
Bref, ça passe ou ça casse. On ne peut pas se contenter de recevoir, de regarder, d'écouter, de rester à distance, bien sagement comme un public tranquille, vaguement bienveillant mais prêt à penser à autre chose, voire à somnoler paisiblement. On participe à ces ruptures de l'espace et du temps ou on reste en dehors, décontenancé.
La petite salle du Théâtre-Studio, étroite et haute, permet cet échange entre comédiens et spectateurs. Il n'est pas dit que cela puisse produire les mêmes effets dans un autre lieu, trop vaste, où le spectacteur reste physiquement éloigné de ce qui se joue devant lui et presque avec lui.
Le trois soeurs feront les frais du drame. On le sait bien. Le désamour, la mélancolie, la tristesse, la mort sont la trame non seulement de la pièce mais de la vie, pas de fuite possible, juste une survie par le travail et l'oubli et le passage du temps . Après les rêves, le drame, le départ de tous ceux qui donnaient un peu d'espoir ou juste de quoi se changer les idées pour un moment, il ne restera rien d'autre que cette routine du jour après jour, quand la pièce terminée,on abandonnera son fauteuil, les personnages, et qu' il ne se passera plus rien du tout.
Photos: Fabienne Rappeneau