Lors de la création au printemps dernier, on m'a souvent répondu "ah , tu crois, j'avais pas trop envie...".
Pourquoi pas envie? Parce que c'est un peu excentré ? Parce que les Afghans?
Mais ce spectacle est indispensable...
Le théâtre Aftaab(soleil, en dari) est né d'un stage dirigé par Ariane Mnouchkine à Kaboul , en 2005. Ce stage a donné lieu à un autre stage, cette fois au Théâtre du Soleil, en 2006 puis ce travail s'est poursuivi, de nouveau à Kaboul et en 2008, premiers spectacles, à Paris, au Théâtre du Soleil avec Tartuffe et Le Cercle de Craie caucasien. Nouvelles créations, nouvelles formations, en particulier à l'ENSATT, nouvelles rencontres et voilà: sous la direction d'Hélène Cinque qui les accompagnés depuis le début, La Ronde de Nuit, ce spectacle à aller voir, avant le 28 avril....
Tout commence par l'arrivée de Nader qui vient de trouver un travail, gardien de nuit dans un théâtre. Un boulot, c'est de l'or et il va tout faire pour respecter minutieusement les consignes qui lui ont été données: une ronde toutes les deux heures, ne laisser entrer personne sauf une jeune femme artiste de cabaret qui est hébergée" momentanément", une femme qui "vient souvent chercher des piles" et le clochard du coin qui a le droit de venir prendre une douche à condition d'être sobre.
Dehors, c'est l'hiver, il neige, il fait un froid glacial et la radio annonce" une tempête de glace".
Et bien sûr, tout va aller de travers...

On craque pour Nader, sa gentillesse, son envie de bien faire, sa compassion, on rit beaucoup, l'autodérision est sous-jacente à tout le spectacle, on est attristé, bouleversé, désolé, choqué, avant de rire de nouveau
Tout y passe, les souvenirs terribles ou tendres, la misogynie poussée à l'extrême, les rêves érotiques ou pas , les cauchemars, des pas de danse, un chant sublime, l'espoir, les fantômes du passé, la peur de la police, de la nuit...
Le vent souffle, tombe la neige, les téléphones portables sonnent et surtout il y a Skype, le seul moyen pour Nader de communiquer avec sa jeune femme restée au pays chez ses parents à lui, comme il se doit. Alors, bien sûr, la mère s'en mêle, le père s'en mêle et tout s'emmêle. Car des intrusions intempestives, des imbroglios, des coups de théâtre, il y en aura beaucoup d'autres. Comme chez Molière.
On est au théâtre, dans un théâtre, il y a partout des objets de théâtre, des malles, des archives, la lampe qui ne doit jamais s'éteindre et les archives qui contiennent toute la mémoire du monde. D'ailleurs les gens surgissent souvent sans emprunter les portes, et la comédie frôle en permanence la tragédie.
On ne peut qu'être éblouis par les performances des comédiens qui s'expriment tous en français avec la même fougue qu'en dari (surtitré).
Mais surtout on ne verra jamais plus les Afghans ou autres sans papiers, exilés, traîne-misère de notre temps de la même façon.
Photo: Michèle Laurent
Toutes les infos ici